« Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu » (Lettre aux Hébreux 11,16)

6 juillet 2018 : La Marche solidaire pour les migrants, composée d'associatifs, de citoyens engagés et de migrants, partie le 30 avril de Vintimille, à la frontière franco-italienne, arrive à Calais. Son objectif est d'atteindre Douvres puis Londres, en Angleterre, en prenant un ferry. Calais (62), France.

6 juillet 2018 : La Marche solidaire pour les migrants, composée d’associatifs, de citoyens engagés et de migrants, partie le 30 avril de Vintimille, à la frontière franco-italienne, arrive à Calais. Son objectif est d’atteindre Douvres puis Londres, en Angleterre, en prenant un ferry. Calais (62), France.

La Lettre aux Hébreux exhorte les croyants à « tenir » dans les moments difficiles : la foi est la base solide sur laquelle s’appuie l’espérance (Hb 11,1). Aussi, le chapitre 11 remet-il en mémoire tous ceux et celles qui, « par la foi », ont tenu dans les épreuves et ont par là, reçu un bon témoignage (v 39). L’expression « par la foi » scande le chapitre. Elle signifie non tant que la foi est un moyen ou un instrument, mais bien plutôt un style de vie, une manière d’être, qui permet de tenir.

La lettre évoque évidemment longuement Abraham (Hb 11,8-19). Car Abraham est bien, pourrait-on dire, l’inventeur de la foi ; c’est en contemplant les étoiles du ciel et en écoutant la promesse de Dieu, qu’Abraham crut (Gn 15,6), et c’est la première fois que, depuis la création, la Bible utilise le verbe « croire ».

Abraham et Sara (vv 11-12) sont tous deux des figures de migrants. Comme les migrants, tous deux sont partis, « sans savoir où ils allaient », vers un pays qui ne serait le leur que comme « héritage », c’est-à-dire comme un don reçu. Comme les migrants, ils sont portés par une parole de promesse, et une promesse qui ouvre l’avenir à travers une postérité ; c’est bien là la raison majeure du départ pour les migrants, désirer ardemment un avenir pour leurs enfants. Croire à cette promesse, pour Abraham et Sara, c’est croire à l’invisible, vaincre toutes les forces de mort qui sembleraient entraver la réalisation de la parole qui ouvre la vie (vv 11-12.19).

Au milieu du récit sur Abraham, la lettre s’arrête un moment (vv 13-16) et considère l’expérience de celles et ceux partis sur les routes de l’exil. Tous ceux et celles qui se sont reconnus « étrangers et voyageurs sur la terre ». Même s’ils n’ont pas obtenu la réalisation complète de la promesse, ils ont vécu selon l’attitude de la foi et ont maintenu vive l’espérance. Car ils étaient des hommes et des femmes en quête, en recherche, très souvent sur le départ, qui ne s’arrêtent pas à d’incomplètes satisfactions. Ils ont quitté leur pays, ils ont décidé de partir sur la foi d’une parole de promesse, et ils ont été constants à chercher une patrie. Une patrie : un lieu pour vivre, un lieu pour faire grandir les enfants, un lieu où (re)construire des relations sur un mode nouveau. Non point sur le modèle de ce qu’ils avaient quitté, mais selon le don qui leur serait fait par d’autres, comme cadeau d’hospitalité.

La lettre tente ainsi de nous faire comprendre le caractère singulier et nouveau de l’expérience humaine des migrants et des exilés. Une humanité qui croit à une promesse, une humanité en mouvement et en recherche, une humanité itinérante qui, même si elle habite quelque part, ne s’y fixe pas. Les choix de style de vie de Jésus ne sont-ils pas précisément ceux-là ?

Alors, affirme clairement la lettre, « Dieu n’a pas honte d’être appelé leur Dieu ».

Père Jean-Marie Carrière, SJ.

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