Jérémie

Homme pensant

Homme pensant

La vie du prophète Jérémie a été marquée par le sens d’expropriation typique de l’exil. La mission prophétique qui lui avait été confiée représentait une charge presque insoutenable qu’il aurait bien voulu éviter, étant conscient que l’irruption divine dans sa vie l’aurait conduit à renoncer à ses projets de jeune homme.

Il a été déraciné du terrain sûr de ses aspirations pour être emmené dans l’exil de l’abandon total à la volonté de Dieu. Bien qu’il y ait une certaine affinité avec Abraham, il faut mettre en évidence que la déportation intérieure de Jérémie a été accueillie par le prophète avec un sentiment de révolte qui est absent chez le patriarche. La mission que Dieu lui a confié est perçue comme une séduction violente et les adversités auxquelles il doit faire face lui font maudire le jour de sa naissance.

Même la fin de sa vie est caractérisée par la déportation, cette fois-ci une déportation au sens littéral, parce qu’il a été obligé de suivre un groupe de réfugiés en Egypte, où il a dû continuer sa mission prophétique.

Le prophète a dû faire face à l’aspect social de l’exil – pendant son activité prophétique le Royaume de Judas a subi deux déportations. Pendant la décennie de séparation entre les deux déportations (597 et 587 avant J.C.), il a eu la lourde tâche de conduire son peuple à interpréter cet évènement historique dans une optique théologique.

Cela a produit de vives et fortes réactions, parce l’interprétation qu’il proposait décrivait Nabuchodonosor comme un instrument dans les mains de Dieu et Sédécias comme invité par Dieu pour « plier le cou sous le joug du roi de Babylone » (Jér 27,12). La destruction qui s’était donc abattue sur le royaume de David pouvait être interprétée comme un évènement voulu par Dieu.

L’interprétation de l’exil est analysée dans la lettre aux exilés (Jér 29, 1-32). L’occasion de la lettre lui est fournie lors d’une diatribe qui animait la communauté juive de Babylone au sujet de la durée de l’exil : Jérémie invite les déportés à prendre conscience de la nécessité d’entrer dans la dimension d’exilés. Il s’agit d’une affirmation qui bouleverse les bases de l’histoire du salut, dont le pilier était la possession d’une terre promise.

Comme le livre de Jérémie a atteint sa forme finale après la fin de l’exil, lorsque les déportés avaient fait leur retour en Judée, il est possible que les indications du prophète sur la façon de vivre l’exil soient adressées aux gens qui étaient revenus de la déportation ou qui ne l’avaient jamais vécue. Le message destiné aux juifs résidant à Babylone devient annonciation de salut pour l’homme de toutes les époques et nous rappelle que, dans la mesure où il saura comprendre ce projet divin, il se sentira comme dans sa patrie, tout en vivant dans un pays étranger.

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