La tour de Babel

Dans le désert iranien, à travers une installation composée de blocs en miroirs rotatifs, l’artiste iranienne Shirin Abedinirad et le designer italien Guglielmo Torelli proposent une version moderne de la tour de Babel (2015).

Dans le désert iranien, à travers une installation composée de blocs en miroirs rotatifs, l’artiste iranienne Shirin Abedinirad et le designer italien Guglielmo Torelli proposent une version moderne de la tour de Babel (2015).

Pourquoi, si toute la terre avait la même langue et les mêmes mots, existe-t-il aujourd’hui tant de langues, d’idiomes et de dialectes ? La réponse traditionnelle fait référence à la punition divine, mais l’on peut ajouter d’autres éléments pour enrichir le contexte interprétatif.

Dans la « table des peuples » (Gen 10), l’on parle de la dispersion des différents groupes humains, en attribuant l’origine des peuples aux trois fils de Noé. De cette façon, on met en relief la racine commune grâce à laquelle ont été générés les hommes et l’on souligne que la dispersion sur la terre est liée à la bénédiction de Dieu : c’est donc un fait positif. Tous les peuples ont la même racine, la même origine, et donc pluralité et unité sont présentées comme une valeur et non pas comme un problème.

En Genèse 11, en revanche, les hommes suivent un autre chemin : de l’Orient, ils se concentrent en un seul lieu. En effet, ils cherchent un endroit où s’installer de peur de se disperser sur toute la terre. Or, ce qui dans le chapitre précédent était considéré comme une valeur est maintenant ressenti comme une menace, contre laquelle les hommes réagissent en se concentrant en un seul lieu et en créant une ville.

Ces hommes ne cherchent pas à s’éliminer les uns les autres, mais travaillent ensemble. Dieu intervient pour bouleverser leur projet : l’unité apparente des hommes cacherait peut-être un problème. Le récit de Genèse 11 décrit un groupe humain uniforme, dans lequel tout le monde utilise les mêmes mots et fait le même travail. La peur de la dispersion les pousse à concevoir une stratégie de défense basée sur le gommage des différences. Dieu intervient contre ce projet, non parce qu’il se sent menacé, mais parce que le projet lui-même nuit à la dignité humaine.

Ces deux chapitres de la Genèse nous offrent la possibilité de les analyser avec des points de vue complémentaires, parce qu’ils nous permettent de mettre en question certaines de nos certitudes. Par exemple, nous pouvons croire qu’un projet commun est une valeur noble et que la dispersion nous rend fragiles : le texte biblique nous offre deux points de vue et montre les avantages et les désavantages de chaque attitude, tout en déclarant la valeur positive des différences culturelles et religieuses, dans la mesure où elles deviennent des occasions propices de rencontre avec l’autre.

Ce discours peut s’appliquer à plusieurs situations, mais l’auteur biblique a  une réalité précise à l’esprit, celle de l’empire babylonien dont il cite la ville, Babel. Il parle aussi des matériaux employés, les briques et le brai, au lieu des pierres carrées, comme on faisait d’habitude en Israël. Le texte insiste aussi sur la tour, la ziqqurat, qui était la caractéristique de la religion babylonienne.

La Babylonie avait créé un empire basé sur l’asservissement forcé de nombreuses populations qui avaient donc perdu leur identité. C’est dans ce sens qu’il faut entendre l’expression : « Toute la terre avait un même langage et un seul parler » (Gen 11, 1). Pour un Babylonien, elle célébrait la grandeur de l’empire, mais un Israélite la contestait comme un projet mégalomane d’oppression de l’homme sur l’homme.

 

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