La Samaritaine

Jésus et la Samaritaine. Vitrail du XIXème. Oeuvre de l'atelier LORIN. Eglise Saint( Aignan. Chartres (28).

Jésus et la Samaritaine. Vitrail du XIXème. Oeuvre de l’atelier LORIN. Eglise Saint-Aignan à Chartres (28).

Longue et fatigante a été la marche pour traverser la Samarie. Il est midi. Le soleil est haut dans le ciel. Jésus, assis au bord du puits, a soif (Jn 4, 1-26). Il demande à boire à cette femme qui vient au puits pour puiser son eau. Le serviteur d’Abraham avait lui aussi demandé de l’eau à boire à Rebecca, après son long voyage (Gn 24,10-21) ; et Jacob à Rachel, lors de son exil (Gn 29,1-14) ; et Moïse à Cippora, l’une des filles de Jéthro, alors qu’il fuyait l’Egypte (Ex 2,15-22).

Jésus ne se laisse pas troubler par la rebuffade de la femme, qui met en avant toutes les différences possibles entre eux — lui, un homme, elle une femme ; lui un Juif, elle une Samaritaine — pour ne pas lui rendre le service qu’il lui demande. « Comment me regardes-tu ? semble-t-il lui suggérer. Ne te rappelles-tu pas comment le Seigneur donna l’eau à son peuple au désert ? » Et Jésus, grâce à la manière respectueuse et discrète dont il lui parle, l’entend lui dire sa propre fatigue, sa lassitude de cette corvée quotidienne à puiser l’eau pour elle et pour l’homme qui vit chez elle. Jésus lui avait dit sa soif, et voilà que la femme samaritaine lui avoue sa soif à elle.

Jésus a bien entendu ce dont parle la soif de son interlocutrice : la fatigue, la lassitude de changer trop souvent de mari. Ce qu’elle reconnaît. Et Jésus souligne alors combien maintenant entre eux deux c’est une parole juste et vraie qui s’échange, comme on peut l’espérer entre un époux et une épouse. Une première différence — homme / femme, avec tous les risques que cela comporte — a été surmontée, par la grâce d’un parler juste et vrai.

La confiance a gagné du terrain, aussi. Après l’échange très concret autour de la soif, après la considération sur la qualité espérée de la relation conjugale, s’inscrit maintenant dans leur conversation, comme naturellement, la question de Dieu. L’autre différence — Samaritaine vs Juif – est surmontée, car la question n’est point tant où il faut adorer, que la manière dont il faut adorer.

« Si tu savais qui te parle » avait dit Jésus à la Samaritaine au début. Elle s’interroge à la fin sur qui est Jésus, s’il ne serait pas un prophète, le Messie. La réponse de Jésus renvoie à ce qui s’est passé entre eux : « Moi, je suis celui qui te parle ».

Nos conversations avec les étrangers sont un atout précieux pour ce que nous sommes appelés à vivre avec eux. Avec la femme étrangère, Jésus fait montre de tact et de respect, de discrétion et d’intelligence dans l’écoute, ne précipite rien, par curiosité ou par quelque conseil, il se montre vulnérable et il reçoit beaucoup. Il est tout simplement « celui qui te parle ».

Père Jean-Marie Carrière, sj