Discours du pape François aux directeurs nationaux de la Pastorale des Migrants

Le 22 septembre 2017, le pape François s’est adressé aux directeurs nationaux de la Pastorale des Migrants lors de la rencontre organisée par le Conseil des Conférences Episcopales d’Europe (CCEE) (Rome, 21-23/09/2017).

Chers frères et sœurs,

Je vous accueille avec joie à l’occasion de votre rencontre et je remercie le cardinal président pour les paroles qu’il m’a adressées en votre nom à tous. Je veux vous remercier de tout cœur pour votre engagement, ces dernières années, en faveur de tous nos frères et sœurs migrants et réfugiés qui frappent aux portes de l’Europe à la recherche d’un lieu plus sûr et d’une vie plus digne.

Devant les flux migratoires massifs, complexes et variés, qui ont remis en cause les politiques migratoires adoptées jusque là et les instruments de protection établis par des conventions internationales, l’Église entend rester fidèle à sa mission : celle d’ « aimer Jésus-Christ, l’adorer et l’aimer, en particulier dans les plus pauvres et abandonnés ; les migrants et les réfugiés font certainement partie de ceux-ci » (Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2015 : Enseignements II,2 (2014), 200).

L’amour maternel de l’Église envers ces frères et sœurs demande de se manifester concrètement dans toutes les phases de l’expérience migratoire, du départ au voyage, de l’arrivée au retour, de sorte que toutes les réalités ecclésiales locales situées le long du trajet soient protagonistes de l’unique mission, chacune selon ses possibilités. Reconnaître et servir le Seigneur dans ces membres de son « peuple en chemin » est une responsabilité qui est commune à toutes les Églises particulières dans le déploiement d’un engagement constant, coordonné et efficace.

Chers frères et sœurs, je ne vous cache pas ma préoccupation devant les signes d’intolérance, de discrimination et de xénophobie que l’on rencontre dans diverses régions d’Europe. Ils sont souvent motivées par la méfiance et par la crainte de l’autre, celui qui est différent, l’étranger. Je suis encore plus préoccupé par la triste constatation que nos communautés catholique en Europe ne sont pas exemptes de ces réactions de défense et de rejet, justifiées par un « devoir moral » de conserver leur identité culturelle et religieuse d’origine qui n’est pas meilleur. L’Église s’est diffusée sur tous les continents grâce à la « migration » de missionnaires qui étaient convaincus de l’universalité du message de salut de Jésus-Christ, destiné aux hommes et aux femmes de toute culture. Dans l’histoire de l’Église, les tentations d’exclusivisme et de retranchement culturel n’ont pas manqué, mais l’Esprit Saint nous a toujours aidés à les surmonter, garantissant une ouverture constante envers l’autre, considérée comme une possibilité concrète de croissance et d’enrichissement.

L’Esprit, j’en suis certain, nous aide encore aujourd’hui à conserver une attitude d’ouverture confiante qui permet de dépasser toute barrière, de franchir tout mur.

Dans mon écoute constante des Églises particulières en Europe, j’ai perçu un profond malaise devant l’arrivée massive de migrants et de réfugiés. Un tel malaise doit être reconnu et compris à la lumière d’un moment historique marqué par la crise économique, qui a laissé des blessures profondes. En outre, ce malaise a été aggravé par la portée et la composition des flux migratoires, par un manque de préparation substantielle des sociétés d’accueil et par des politiques nationales et communautaires souvent inadéquates. Mais le malaise est aussi indicateur des limites des processus d’unification européenne, des obstacles auxquels doit se confronter l’application concrète de l’universalité  des droits humains, des murs contre lesquels se heurte l’humanisme intégral qui constitue un des plus beaux fruits de la civilisation européenne. Et pour les chrétiens, il faut interpréter tout cela, au-delà de l’immanentisme laïc, dans la logique du caractère central de la personne humaine créée unique et irremplaçable par Dieu.

 Dans une perspective purement ecclésiologique, l’arrivée de tant de frères et sœurs dans la foi offre aux Églises en Europe une opportunité supplémentaire de réaliser pleinement leur catholicité, élément constitutif de l’Église que nous confessons tous les dimanches dans le Credo. D’ailleurs, ces dernières années, beaucoup d’Églises particulières en Europe ont été enrichies de la présence de migrants catholiques qui ont apporté leurs dévotions et leur enthousiasme liturgique et apostolique.

Dans une perspective missiologique, les flux migratoires contemporains constituent une nouvelle « frontière » missionnaire, une occasion privilégiée d’annoncer Jésus-Christ et son Évangile sans quitter son environnement, de témoigner concrètement de la foi chrétienne dans la charité et dans un profond respect des autres expressions religieuses. La rencontre avec les migrants et les réfugiés d’autres confessions et religions est un terrain fécond pour le développement d’un dialogue œcuménique et interreligieux sincère et enrichissant.

Dans mon Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié de l’année prochaine, j’ai souligné combien la réponse pastorale aux défis migratoires contemporains devait s’articuler autour de quatre verbes : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Le verbe accueillir se traduit ensuite en d’autres verbes tels que développer les voies d’entrée légales et sûres, offrir un premier hébergement adéquat et digne et assurer à tous la sécurité personnelle et l’accès aux services de base. Le verbe protéger se décline en : offrir des informations sûres et certifiées avant le départ, défendre les droits fondamentaux des migrants et réfugiés indépendamment de leur statut migratoire et veiller sur les plus vulnérables que sont les enfants. Promouvoir signifie essentiellement garantir les conditions pour le développement humain intégral de tous, migrants et autochtones. Le verbe intégrer se traduit en : ouvrir des espaces de rencontre interculturelle, favoriser l’enrichissement réciproque et promouvoir des parcours de citoyenneté active.

Dans ce même Message, j’ai souligné l’importance des Pactes mondiaux que les États se sont engagés à rédiger et à approuver d’ici la fin 2018. La Section Migrants et Réfugiés du dicastère pour le Service du développement humain intégral a préparé 20 points d’action que les Églises locales sont invitées à utiliser, compléter et approfondir dans leur pastorale : ces points sont fondés sur les « bonnes pratiques » qui caractérisent la réponse tangible de l’Église aux besoins des migrants et des réfugiés. Les mêmes points sont utiles pour le dialogue que les diverses institutions ecclésiales peuvent avoir avec les gouvernements respectifs en vue des Pactes mondiaux. Je vous invite, chers directeurs, à connaître ces points et à les promouvoir dans vos Conférences épiscopales.

Les mêmes points d’action forment aussi un paradigme articulé par les quatre verbes déjà mentionnés, paradigme qui pourrait servir de critère d’étude ou de vérification des pratiques pastorales qui existent dans les Églises locales, en vue d’une mise à jour toujours opportune et enrichissante. Que la communion dans la réflexion et dans l’action soit votre force parce que, quand on est seul, les obstacles semblent beaucoup plus grands. Que votre voix soit toujours opportune et prophétique et surtout qu’elle soit précédée d’un agir cohérent et inspiré des principes de la doctrine chrétienne.

Vous renouvelant mes remerciements pour votre grand engagement dans le domaine d’une pastorale migratoire aussi complexe que brûlante d’actualité, je vous assure de ma prière. Et vous aussi, s’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi.

© Traduction de ZENIT, Hélène Ginabat

20 points d’action pastorale pour les Eglises locales
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