Pie XII défend les droits humains et la diversité culturelle
Pape de 1939 à 1952, Pie XII tente le premier une évaluation globale du phénomène migratoire. Dans un monde en mutation, il intègre au discours de l’Eglise de nouvelles catégories socio-politiques tels les droits humains. Enfin, il ouvre un peu plus l’Eglise à la reconnaissance de la diversité culturelle.
Un premier essai d’évaluation globale du phénomène migratoire : Exsul familia nazarethana
Du point de vue de l’analyse, Pie XII est le premier pape à tenter une évaluation globale du phénomène migratoire qui tienne compte de ses multiples aspects (aspects sociaux, économiques, culturels, démographiques, anthropologiques, politiques, religieux et moraux, etc.). Dans la Constitution apostolique Exsul familia nazarethana (La famille exilée de Nazareth) de 1952, il formule ainsi une doctrine complète sur l’émigration, véritable première dans l’histoire de l’Eglise.
Si Pie XII n’ignore pas les souffrances générées par l’émigration, son appréciation du phénomène frappe par son caractère positif. Pour lui, l’émigration constitue la poursuite du mouvement par lequel l’humanité, depuis son origine, s’est répandue sur toute la surface de la planète, réalisant ainsi le dessein de Dieu de faire en sorte que les biens de la création affluent entre les mains de tous. Ses fruits sont positifs : amélioration du niveau de vie, rencontre et dialogue entre cultures, contribution au progrès commun de l’humanité. Cette analyse positive qui sera nuancée par ses successeurs se retrouve tout au long de son pontificat.
L’intégration dans le discours de l’Eglise de nouvelles catégories sociales et politiques
Dans un monde en mutation, l’évolution de la doctrine de l’Église et sa pratique à l’égard des migrations subissent une véritable accélération, y compris grâce à l’incorporation de nouvelles catégories sociales et politiques telles que les droits humains. Dans ses messages radiodiffusés devenus célèbres, Pie XII aborde de nombreux points relatifs au phénomène migratoire et affirme entre autres choses le droit à émigrer et le droit au regroupement familial, l’attribution universelle des biens de la terre et leur juste redistribution ou encore l’importance des organismes internationaux pour la protection des migrants. Aux lois restrictives et aux sentiments xénophobes, le pape oppose « une opinion publique en faveur des migrants. L’émigration est un problème international dont la solution dépend d’accords collectifs, qui réalisent la meilleure répartition des hommes sur la terre […] sans attaquer la liberté et la justice »[1].
Une ouverture à la reconnaissance de la culture et du patrimoine spirituel des différents peuples
Pie XII gouverne l’Église pendant la Seconde Guerre mondiale et au début de la “guerre froide”, après le partage du monde entre les puissances victorieuses au mois de février 1945 à Yalta. Dans ce contexte de bipolarisation du monde, il se montre favorable aux processus d’autonomie et d’indépendance des peuples et n’épargne pas ses critiques à l’égard de l’action des puissances coloniales. Dans ce même esprit, il ouvre peu à peu l’Eglise à la reconnaissance des cultures non chrétiennes.
En 1949, il condamne ainsi l’interprétation restrictive de l’axiome extra Ecclesia nulla salus (hors de l’Église point de salut), reconnaissant que le votum implicitum (souhait implicite) est suffisant au salut même de ceux qui ne connaissent pas le Christ. La même année, par l’instruction Propaganda Fide, il autorise les rites chinois du culte des ancêtres, après avoir créé en 1946 le premier cardinal chinois. Dans les encycliques Evangelii Praecones de 1951 et Fidei donum de 1957, il reconnaît que le patrimoine spirituel des différents peuples peut être un terrain utile à l’évangélisation.
[1].“Lettera per la XVIII settimana sociale di Spagna, 30 giugno 1958”, Osservatore Romano du 11-7-1958.