Geremia Bonomelli
Jérémie Bonomelli
Mgr. Jérémie Bonomelli (1831-1914), évêque de Crémone, est le fondateur, en 1900, de l’Œuvre Bonomelli (dénomination ayant pris effet après sa mort), qu’il dirigera jusqu’à sa mort et qui aura pour but d’assister les ouvriers italiens « en Europe et au Levant ».
Dans son action pour les migrants il collabore avec Mgr. Jean-Baptiste Scalabrini et avec l’Association nationale pour secourir les missionnaires italiens (ANSMI).
Dans le milieu ecclésial italien de l’époque Jérémie Bonomelli est considéré comme le porte-drapeau du « libéralisme », opposé à l’orientation « intransigeante » du catholicisme qui prévaut au sein de l’Église depuis Grégoire XVI (1765-1846), comme en témoigne en 1864 la condamnation, par le Syllabus de Pie IX, des idées du prêtre Félicité Robert de Lamennais, précurseur du catholicisme libéral.
Avant la création de son Œuvre, l’évêque de Crémone montre déjà son intérêt pour la question migratoire en envoyant, tout comme Mgr. Scalabrini, des prêtres aux Amériques et en Suisse. Toutefois, en jugeant cela encore insuffisant, il estime nécessaire l’institution d’un véritable organisme national spécialisé, émancipé de l’influence des catholiques intransigeants.
C’est ainsi que Mgr. Bonomelli et un groupe de catholiques modérés qui partagent ses positions au sein de l’ANSMI – jamais reconnue par Léo XIII car trop libérale et chauvine – approuvent, au cours d’une assemblée générale tenue à Venise en 1900, la création d’une nouvelle institution appelée Œuvre d’assistance aux ouvriers italiens à l’étranger et notamment en Europe. Le Saint-Siège, après avoir réuni une commission de cardinaux pour examiner la question de l’approbation pontificale, ne donne pas toutefois sa bénédiction, l’Œuvre devant donc avoir simplement une reconnaissance civile et laïque.
L’écrivain Fogazzaro, l’une des personnalités constituant l’assemblée, décrit Bonomelli comme un pasteur intelligent et moderne, prêt à sortir des cathédrales pour se mélanger avec le peuple.
La structure de l’Œuvre comporte un évêque président, élu par une assemblée de laïques, et un conseil ecclésiastique, compétent pour les affaires religieuses.
Cet organisme a donc un caractère laïc et non confessionnal, bien que dans son organigramme figurent surtout des prêtres. Pour J. Bonomelli ce choix aurait permis une plus grande implication des laïcs, tandis que le caractère non confessionnel de l’Œuvre aurait garanti aux migrants un soutien indépendamment de leurs idées religieuses ou politiques. Contrairement à la plupart des initiatives en faveur des migrants demeurant actives uniquement dans les diocèses, l’Œuvre possède un rayonnement national, grâce notamment au réseau de l’ANSMI, à la philanthropie de plusieurs notables et à l’appui politique du Commissariat Général pour l’Émigration.
Au niveau des méthodes pastorales déployées, le travail de l’Œuvre s’effectue par le biais des Missions Catholiques Italiennes et d’un Secrétariat Catholique pour les Travailleurs. Les axes d’action sont ainsi énoncées par Bonomelli lui-même : « Nos émigrants ont de grands besoins religieux, moraux et, souvent, matériaux. Pour nos ouvriers, l’instruction morale est surtout religieuse ; un ouvrier qui connaît bien le catéchisme connaît aussi bien tous ses devoirs moraux ».
Les dizaines de prêtres engagés dans l’Œuvre sont principalement des séculiers et ils interviennent en Suisse, en France et en Allemagne, en coopérant avec les diocèses locaux. Ils fondent des écoles, des paroisses et des hôpitaux. Leur action est supportée par des ordres religieux et des congrégations : les Barnabites à Paris, les Déhoniens à Marseille, les Salésiens à Lyon et à Zurich, les Capucins dans le sud de la France. J. Bonomelli achemine des laïcs et des religieux vers l’étude de l’émigration et se rend souvent sur le terrain.
Après la mort de son fondateur et pendant la Grande Guerre, l’activité d’assistance de l’Œuvre se tourne souvent vers l’aide aux migrants présents aux frontières. Mgr. Ferdinand Rodolfi, évêque de Vicence, président d’honneur de la créature bonomellienne, convainc le Saint-Siège de nommer un évêque qui s’occupe de l’ensemble des prêtres actifs dans le domaine de l’émigration. Le Vatican institue alors la figure du « Prélat pour l’émigration italienne ».
Après le conflit, l’Œuvre Bonomelli subit l’influence du Parti Populaire Italien (ancêtre de la Démocratie chrétienne), car l’un de ses fondateurs, Stefano Jacini junior, en est élu président. Cela entraîne des disputes au sein de l’organisme entre la présidence et les composantes fascistes et nationalistes de son Conseil directif, disputes qui dégénèrent en conflit avec le Commissaire général du Ministère des affaires étrangères, Giuseppe De Michelis, et en l’exclusion de l’Œuvre du soutien financier gouvernemental. La rupture des rapports avec le régime et la volonté des missionnaires de ne pas devenir des fonctionnaires d’État mettent l’Œuvre dans une position difficile, car le maintien de son existence signifierait une opposition directe du Saint-Siège au gouvernement italien ; Rome décide alors de la dissoudre en 1927, sans pour autant laisser tomber ses missions, souvent récupérées par les missionnaires scalabriniens.