Comment aider les migrants à poser des mots sur leur histoire ?
Pour de nombreux migrants arrachés à leur passé et incertains sur l’avenir, parler est une façon de se réapproprier leur histoire, de retrouver une liberté dans des circonstances pas nécessairement choisies, de reprendre le contrôle de leur vie. Pour certains, l’expérience de la migration est l’occasion de renforcer les liens avec sa culture d’origine dans le but de s’ancrer. Face à la menace qui pèse sur leur identité, poser des mots leur permet de se “ressaisir” comme sujet, en restaurant une continuité et une cohérence de vie.
Certains migrants marqués par les traumatismes de l’exil auront besoin d’un accompagnement spécifique (par des psychologues, thérapeutes, etc.) En aucun cas, on ne les forcera à revenir sur ce qu’ils ont vécu ; en fonction des étapes de leur parcours migratoire ainsi que de leur cheminement personnel, il peut être vital pour eux de garder à distance les traumatismes subis pour pouvoir avancer.
Comment créer les conditions pour que la parole puisse émerger ?
- Si certaines cultures valorisent beaucoup la parole, d’autres moins. Pour certains, la parole jaillira spontanément dans une relation de confiance ; pour d’autres, il faudra en évoquer la possibilité.
- Pour des personnes peu habituées à parler ou confrontées à des situations très difficiles, la parole ne pourra émerger que dans le tête-à-tête, dans un climat d’intimité important.
- Pour d’autres, l’intégration dans un groupe permettra d’échanger sur des difficultés communes. Entendre d’autres parler d’un vécu proche pourra permettre de trouver sa propre parole.
- Dans tous les cas, il ne faut pas négliger les aspects pratiques pour créer un climat chaleureux, une atmosphère propice à la confidence, dans une disposition qui favorise l’échange.
- Si les difficultés de langue rendent la conversation difficile, il est possible de trouver des méthodes de contournement : peinture, dessin, lecture, écriture de contes.
Comment se comporter pendant l’échange ?
- Il est essentiel d’avoir un présupposé de bienveillance. Souvent confrontés à la méfiance de leurs interlocuteurs administratifs, les migrants ont besoin de voir leur parole crue, accueillie sans soupçon.
- Ne pas juger les personnes qui, parfois, peuvent éprouver un sentiment de culpabilité par rapport à la manière dont elles sont arrivées, parfois de manière irrégulière, pour les personnes laissées au pays, etc.
- Si le récit de vie permet de comprendre l’histoire de l’autre, il faut veiller à ne pas l’y enfermer. Il est essentiel de ne pas tirer de conclusions. Chaque parole n’appelle pas un commentaire !
- Tout ne passe pas par la parole. Les silences sont parfois aussi éloquents que les mots. Il faut laisser l’autre habiter comme il veut l’espace de l’échange, parfois en se taisant, parfois en pleurant, etc.
- Dans la discussion, favoriser la recherche et l’expression de ce qui a du poids, de ce qui tient dans l’épreuve, de ce qui, dans les difficultés de la migration, s’est révélé porteur de vie.
- Ne pas hésiter à partager soi-même ses propres expériences de vie. Cela contribue à restaurer la personne migrante dans son identité de personne avec laquelle on peut échanger, se confier, etc.
- Pour des migrants chrétiens, le recours aux textes bibliques parlant de la migration peut permettre de lier leur propre histoire d’exil à l’histoire d’autres croyants et de puiser dans la Parole de Dieu force et lumière.
La Pastorale des Migrants du diocèse d’Amiens a mis en place une permanence d’accueil, en plein centre-ville, à proximité de la cathédrale. Une porte ouverte, un temps de pause, de parole, d’échange, entre personnes d’ici et d’ailleurs. Temps d’écoute mutuelle, de mise en relations, un lieu de rencontre en vérité où au fil des mois se créent des liens d’amitié et de confiance qui donnent la force de poser des actes pour sortir des impasses et reprendre confiance en l’avenir.