Dépasser la peur de l’autre
L’Eglise enseigne que la dignité de chaque personne humaine est inamissible (comme la grâce divine ne peut se perdre). Elle découle de sa création à l’image de Dieu et doit ainsi être respectée de manière inconditionnelle – sans référence aux différences de nationalité, de sexe, d’ethnie ou de religion.
Mais souvent, les chemins vers le respect et l’amour de l’autre sont entravés par la barrière de la peur. Peur de l’autre, de l’inconnue, de sa manière d’être, de ses pratiques et de ses croyances. L’image des migrants qui arrivent en France est liée à des images de pauvreté et de marginalité, parfois à des idées sur d’autres cultures ou religions. Pour dépasser cette peur, il faut regarder de près ce qui provoque la peur, puis oser le chemin de rencontre avec des personnes concrètes ce qui peut ouvrir un chemin pour reconnaitre en chaque homme et chaque femme un frère, une sœur en humanité.
Dépasser la peur à travers la connaissance de l’autre
La peur se dompte par l’avant. Les étrangers sont souvent des inconnus, avec lesquels on a peu de liens. Lorsqu’on va à leur rencontre, on trouve souvent que le gouffre qui nous sépare n’est pas si large qu’il ne paraissait. Avant tout on découvre une personne : ayant une famille, une histoire, des besoins, des richesses.
En allant vers l’étranger et en lui reconnaissant son humanité, on réalise que l’on partage des plaisirs et des inquiétudes avec ces personnes, et nous découvrons des intérêts communs. Puis, la connaissance donne lieu à la curiosité. Au premier abord, on peut ressentir une difficulté dans l’approche : De quoi va-t-on discuter ? Quelles questions poser à l’autre ? L’autre semble si différent ! Mais ce sont des problèmes qui trouvent leurs réponses dans le contact et l’échange.
Sur le chemin de la rencontre et du dialogue, nous grandissons nous-mêmes, notre humanité se voit élargie. L’étranger peut nous apparaître comme un adversaire dans la concurrence pour les biens de la terre : il prendrait ce qui pourrait être mien, il occuperait l’appartement dont j’ai besoin, il prendrait le travail qui reviendrait à l’autochtone. Au contraire, nous pouvons le découvrir comme personne humaine comme nous, qui a besoin d’un toit, de quoi manger, d’un travail pour gagner sa vie. La rencontre avec l’autre différent peut nous humaniser. Il nous ouvre à la perspective du monde. En ce sens, l’étranger nous ouvre à des grandes possibilités de dialogue. A ce titre, l’étranger nous comble plus qu’il nous encombre. Cette ouverture permet d’échapper à un isolement et une méconnaissance du monde qui peut marquer la vision des hommes. En dialogue avec l’étranger nous découvrons une personne, un frère, une sœur, et à travers cette personne sa culture, son pays, sa langue, tout un monde. C’est aussi une occasion pour faire découvrir et se rappeler à soi-même toute la richesse de la culture française.
Risque de la rencontre avec l’étranger
Or, si l’étranger sur mesure n’existe pas, autant il est légitime de demander au migrant de respecter le cadre de vie de la société qui l’accueille et d’être un vecteur de paix sociale, autant le fait d’accepter quelqu’un comme étranger, c’est l’accepter non pas tel que nous voulons qu’il soit, mais tel qu’il est. Cette ouverture à l’altérité et à l’étrangeté nous interpelle par-rapport à notre propre identité et nos propres convictions.
Le risque de la rencontre avec l’étranger est qu’à travers cette ouverture notre propre regard sur nous-mêmes peut changer. Ce qui me semblait évident devient moins évident. Nous découvrons d’autres manières de se saluer ou d’inviter chez soi, d’autres manières de vivre une naissance ou un deuil, un autre rapport à la vieillesse ou la jeunesse etc. De la même manière que nous percevons rapidement les défauts et les lacunes que porte l’étranger, il peut porter un regard critique sur nos pratiques. Prendre connaissance de ce regard extérieur peut nous porter à remettre en question notre vision de certains aspects de notre vision du monde. Peut-être que certaines convictions et certitudes que je partage avec ceux qui me ressemblent ne sont pas si évidentes, voir même fausses. En s’ouvrant à l’autre on risque de découvrir qu’il n’est pas si mauvais dans ses choix de vie, ni si erroné dans ses croyances et que nous ne sommes ni si parfaits, ni si justes que nous pensions l’être. La rencontre avec l’autre, différent, peut permettre de se laisser enrichir par la diversité des cultures et grandir ensemble.