L’hostilité envers les migrants

"La Liberté guidant le peuple" d'Eugène Delacroix par l'artiste JonOne.

« La Liberté guidant le peuple » d’Eugène Delacroix par l’artiste JonOne.

Souvent l’arrivée de migrants, de personnes déplacées, de demandeurs d’asile et de réfugiés suscite chez les populations locales suspicion et hostilité. La peur naît qu’il se produise des bouleversements dans la sécurité de la société, que soit couru le risque de perdre l’identité et la culture, que s’alimente la concurrence sur le marché du travail, ou même, que soient introduits de nouveaux facteurs de criminalité.

Pourquoi a-t-on peur de l’autre ?

Face aux phénomènes de migrations, beaucoup de points de résistance peuvent surgir dans l’esprit de nos compatriotes. Pourquoi s’occupe-t-on des étrangers alors que des Français sont dans le besoin ? Ces nouveaux arrivants vont-ils avoir un effet néfaste sur le marché de l’emploi ? Comment la culture et la cohésion nationale en France va-t-elle faire face aux évolutions démographiques ? Parmi ces questions, des interrogations légitimes méritent des réponses justes et informées. On ne peut espérer que le débat progresse dans un sens positif si l’on rejette les inquiétudes des uns et des autres, ou qu’on les renvoie à un sentiment de culpabilité.

Dans bien des cas, les causes de notre méfiance à l’égard des migrants est à trouver dans notre propre parcours individuel et national. Sur le plan individuel, l’ouverture à l’altérité se forme. Lorsqu’on a eu peu de contact avec des personnes d’une autre culture ou d’une autre religion, notre esprit peut être biaisé par de fausses idées. Quand l’on se trouve dans une situation de besoin ou de précarité, cela peut engendrer un ressentiment envers des étrangers que l’on perçoit comme recevant une aide qui nous serait dûe. Inversement, quand l’on est issu d’un milieu privilégié, on peut ignorer les réalités de la précarité sociale et économique, qui sont le quotidien de beaucoup de migrants.

Sur le plan national, il faut reconnaître qu’en France nous avons subi un fort déracinement au cours du XXème siècle ; à travers l’industrialisation, l’urbanisation, la sécularisation et la mondialisation. Ces phénomènes sociétaux ont eu certains effets louables : l’élargissement des libertés individuelles, l’élévation du niveau de vie, la prolongation de l’espérance de vie. Mais ils ont aussi eu l’effet d’isoler les individus et de les couper des milieux sociaux, culturels et religieux qui ont soutenu et soudé les générations précédentes. Ces phénomènes viennent s’ajouter à plusieurs traumatismes nationaux (l’occupation allemande, la guerre d’Algérie) qui ont profondément déstabilisé nos repères identitaires.

Il existe aussi de réelles difficultés dans certaines banlieues délaissées par les autorités publiques et l’économie de marché, où depuis des décennies migrations, précarité sociale, manque d’avenir et communautarisme forment un mélange explosif qui ne fait guère avancer le vivre-ensemble. Les vagues d’immigration successives mal accompagnées sont un réel défi qui nous interroge sur les moyens mis en œuvre pour l’intégration.

Comment l’Eglise répond-elle à la peur de l’autre ?

L’Eglise appelle à répondre à la méfiance et à la fermeture avec l’ouverture de l’esprit et du cœur. Cette ouverture s’adresse aux migrants bien sûr, qui doivent être soutenus dans leur dignité humaine, mais elle s’adresse aussi à ceux qui sont enfermés dans le piège du repli identitaire. Ainsi l’Eglise essaie-t-elle de garder une attitude évangélique à l’égard de tous. C’est là sans doute son originalité. Si elle ne craint pas d’analyser lucidement les maux du racisme et de les désapprouver même devant leurs auteurs, elle cherche aussi à comprendre comment ceux-ci ont pu en arriver là.

Dans cette optique, il est important d’adopter une stratégie d’ouverture et d’amour lorsqu’on est confronté à des personnes en Eglise ou en société qui stigmatisent les migrants ou les minorités. Mieux comprendre ces personnes, les accueillir dans leur intégralité est un premier pas dans cette stratégie. Il ne s’agit pas de les conforter dans leurs positions, mais d’aller au-delà de notre confort psychique (« Voilà ce que je crois et je sais que j’ai raison ») et d’accompagner un interlocuteur vers un raisonnement plus solidement ancrée dans l’Evangile.

Les craintes prospèrent souvent sur la méconnaissance de la réalité et sur l’image que l’on se fait a priori des personnes. Aussi est-il souvent important de permettre aux personnes manifestant une hostilité à l’égard des migrants d’en rencontrer certains concrètement.