Pourquoi privilégier l’intégration à l’assimilation ?
Les documents contemporains du discours social catholique ne traitent pas seulement des questions concernant la mobilité et l’accueil des personnes mais aussi de ce qu’on a coutume d’appeler l’“intégration”. Ils cherchent à répondre à la question suivante : comment des populations caractérisées par de fortes diversités de cultures et de religions peuvent-elles vivre ensemble ?
Ni assimilation ni ségrégation mais une juste intégration, ouverte à l’altérité
- Sur le “vivre-ensemble”, qui concerne non seulement les migrants stricto sensu et leurs descendants, mais aussi les sociétés dans lesquelles ils se sont installés et font souche, deux positions extrêmes sont déclarées incompatibles avec la fraternité chrétienne et la visée de la paix sociale : l’assimilation et la ségrégation.
- L’Eglise reconnaît que l’identité d’une personne est intimement liée à son origine et à sa culture. Exiger l’assimilation et, par conséquent, prohiber la manifestation de toute différence culturelle dans le vivre-ensemble pousse les personnes à renier leurs racines, ce qui nuit fortement à leur identité personnelle. Ainsi, l’Eglise ne peut-elle pas considérer l’intégration comme « assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle » (Pape François, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018).
- La ségrégation des migrants constitue une forme de marginalisation permanente et empêche l’enrichissement d’un « vivre-ensemble » dans la diversité. Notre pays se priverait des éléments du patrimoine culturel et spirituel des migrants susceptibles d’enrichir la communauté nationale.
- La voie préconisée dans le discours de l’Église, celle de l’intégration, suppose que les différences culturelles ne soient pas survalorisées, au point de faire oublier les bases culturelles et les valeurs qui fondent la cohésion de la société française ou les ressemblances essentielles entre tous les êtres humains.
Dans nos sociétés touchées par le phénomène global de la migration, il est nécessaire de chercher un juste équilibre entre le respect de sa propre identité et la reconnaissance de celle d’autrui. Il est en effet nécessaire de reconnaître la légitime pluralité des cultures présentes dans un pays, sauvegardant la protection de l’ordre dont dépendent la paix sociale et la liberté des citoyens. On doit exclure aussi bien les modèles fondés sur l’assimilation, qui tendent à faire de celui qui est différent une copie de soi-même, que les modèles de marginalisation des immigrés, comportant des attitudes qui peuvent aller jusqu’au choix de l’apartheid. La voie à parcourir est celle de l’intégration authentique, dans une perspective ouverte, qui refuse de considérer uniquement les différences entre les immigrés et les populations locales.
Saint Jean Paul II, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2005
- Cet équilibre à trouver entre assimilation et ségrégation est particulièrement sensible chez les plus jeunes. D’un côté, l’Eglise encourage les initiatives pour cultiver leurs racines culturelles, voire pour les (re)découvrir. De l’autre, elle invite à ne pas cantonner les jeunes enfants de migrants aux racines de leurs parents et à tout faire pour leur permettre d’exprimer leur propre singularité en s’intégrant en France.
Juger de la différence
- Si l’intégration suppose un vrai respect pour les différences de l’autre, elle ne signifie pas que toutes ces différences soient acceptables. Un discernement est à opérer entre les valeurs qui fondent la cohésion de la société française et celles qui s’y opposent.
- Dans l’exercice d’un tel discernement, il est légitime que les chrétiens n’aient pas tous la même sensibilité. Ce qui importe, c’est que leurs débats ne soient pas alimentés par des visions idéologiques a priori, mais qu’ils cherchent, à partir des expériences concrètes de la vie, ce qui semble compatible avec un « vivre ensemble » harmonieux et ce qui s’y oppose.
- Celles et ceux qui vivent au quotidien avec des migrants peuvent témoigner de ce que cette proximité apporte à leur vie, souvent même à leur foi, rendant concret l’enrichissement par les différences.
L’intégration n’est pas » une assimilation, qui conduit à supprimer ou à oublier sa propre identité culturelle. Le contact avec l’autre amène plutôt à en découvrir le ‘‘secret’’, à s’ouvrir à lui pour en accueillir les aspects valables et contribuer ainsi à une plus grande connaissance de chacun. Il s’agit d’un processus de longue haleine qui vise à former des sociétés et des cultures, en les rendant toujours davantage un reflet des dons multiformes de Dieu aux hommes
Pape François, Message pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018, citant Saint Jean Paul II