Pourquoi est-il important pour un migrant de prier dans sa langue ?

15 décembre 2015 : Une femme prie dans l'église orthodoxe de la Jungle, à Calais.

15 décembre 2015 : Des Erythréens prient dans l’église orthodoxe de la Jungle, à Calais.

Force est de constater que l’existence de missions catholiques linguistiques suscite souvent des craintes quant à d’éventuelles divisions ou risques de “ghettoïsation” au sein de la communauté catholique. Or si elle ne doit pas devenir un absolu, la langue est un élément essentiel pour qu’une personne puisse vivre un lien vivant à Dieu et s’insérer aussi bien dans l’Eglise que dans la société.

Un élément essentiel du lien à Dieu

  • La religion est fondée sur la communication entre l’humain et le divin. Or, si Dieu connaît toutes les langues, les hommes disposent quant à eux d’une palette plus limitée. La langue s’avère donc cruciale pour rapprocher le contenu de la foi de l’univers culturel des personnes et ainsi le leur rendre “familier”.
  • Même lorsque l’on maîtrise couramment le français dans la vie quotidienne, la langue d’origine peut demeurer le véhicule de certains sentiments que l’on ne parviendra pas à exprimer en français. C’est généralement le cas des sentiments relevant du domaine de l’intime, dont la foi fait partie.

Un élément structurant le lien communautaire

  • En l’absence d’une mission catholique linguistique, certains migrants sont tentés de s’affilier à des cultes non catholiques, pourvus que ceux-ci soient proposés dans la langue de leur pays d’origine. Ce phénomène montre l’importance de la langue dans la construction du lien communautaire en Eglise.
  • Dans sa langue maternelle, un migrant comprend mieux ce qui se passe, ce que les autres font ou pensent, ce que l’on attend de lui. Moins handicapé dans son lien aux autres, il se sent plus à même de s’impliquer dans la vie de la communauté. La vie communautaire s’en trouve renforcée.

Un élément pouvant favoriser l’intégration

  • La préservation de la langue d’origine permet de lutter contre la dissolution de l’identité. Les mots reçus des parents servent à se rattacher à une identité, à une histoire, à se reconnaître de quelque part. Leur utilisation en contexte étranger permet de se reconstituer une forme de « chez soi ».
  • En offrant aux migrants chrétiens des lieux dans lesquels ceux-ci peuvent entretenir leur langue d’origine, l’Eglise valorise leur patrimoine et les conforte dans leur identité d’origine ; ce faisant, elle les ouvre à l’accueil des transformations que peuvent induire l’immersion dans une nouvelle culture.

Un élément à ne pas absolutiser

  • Certains éléments mentionnés ci-dessus peuvent être relativisés. Ainsi, une personne ayant cheminé dans la foi ici en France sera plus encline à recourir au français dans sa vie spirituelle et ecclésiale. C’est notamment le cas de migrants arrivés jeunes en France ou bien ayant découvert la foi dans notre pays.
  • Si les espaces pour prier dans sa propre langue sont importants, il est vital de favoriser les liens avec les communautés territoriales parlant français, pour grandir dans une réelle communion ecclésiale qui valorise la diversité des origines. Ainsi certains migrants catholiques se retrouvent régulièrement avec la communauté de leur langue d’origine, tout en participant à la vie de leur paroisse territoriale et en y apportant la richesse de leur origine.
  • Inversement, la langue ne suffit pas à elle seule à répondre à tous les points soulevés ci-dessus. L’expérience montre que les groupes de fidèles de même langue mais de nationalités différentes ne se mélangent pas spontanément. Si la langue est un élément essentiel de la culture, elle n’en est pas le tout.

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