Comment comprendre et accueillir les manifestations de religiosité populaire ?

Une femme portant une tenue traditionnelle africaine à l'effigie de Saint Antoine de Padoue prie en face de la grotte de Massabielle, de l'autre côté du Gave, durant le pèlerinage National de l'Assomption à Lourdes.

Une femme portant une tenue traditionnelle africaine à l’effigie de Saint Antoine de Padoue prie en face de la grotte de Massabielle, de l’autre côté du Gave, durant le pèlerinage National de l’Assomption à Lourdes.

L’expression de foi de nombreux migrants est marquée par la religiosité populaire, souvent liée à la vie de l’Eglise telle qu’ils l’ont connue dans leur pays d’origine.

Certaines pratiques gagnent en importance sur le chemin de l’exil qui confronte les migrants à l’inconnu et, pour beaucoup, à des dangers permanent pouvant aller jusqu’à la violence extrême et la mort. Ils sont exposés à l’insécurité, à des questions qui ne s’étaient jamais posées et ne peuvent plus se référer aux repères habituels dans leur pays. Certains cherchent alors appui dans les pratiques religieuses populaires pour y trouver force et protection.

La piété populaire est un précieux trésor de l’Église. Elle est, selon le pape François, « une  spiritualité,  une  mystique,  un  espace  de  rencontre  avec Jésus Christ », une foi  qui se manifeste « dans des formes qui engagent les sens, les sentiments, les symboles des différentes cultures… » (Pape François, Homélie pour la messe de la journée des confraternités et de la piété populaire, 5/05/2013). Néanmoins, elle demande une attention pastorale particulière, au risque de dévier du message évangélique.

Religiosité populaire : De quoi parle-t-on ?

Le « Directoire sur la piété populaire et la liturgie » précise que la religion populaire, c’est-à-dire la religion du peuple, se manifeste sous plusieurs expressions :

  • Les « exercices de piété » désignent « les expressions publiques ou privées de la piété chrétienne qui, bien que ne faisant pas partie de la liturgie, sont en harmonie avec elle » (Directoire § 7);
  • Le terme « dévotions » s’applique à « diverses pratiques extérieures » (visite de lieux particuliers, médailles, coutumes…) « qui, animées de l’intérieur par la foi, mettent le fidèle en relation avec Dieu, ou avec Marie, ou avec les saints » (Directoire § 8);
  • Avec la locution « piété populaire« , il est encore question de diverses manifestations cultuelles mais qui « empruntent des aspects particuliers appartenant en propre au génie d’un peuple ou d’une ethnie, et donc à leur culture » (Directoire § 9);
  • La « religiosité populaire » renvoie davantage à une « expérience universelle » (Directoire § 10). Le Directoire reconnaît aussi qu’une sorte de « catholicisme populaire » peut jaillir dans de nombreuses régions, dans lequel « coexistent, d’une manière plus ou moins harmonieuse, divers éléments provenant du sens religieux de la vie, de la culture propre du peuple et de la révélation chrétienne ».

La religiosité populaire est une aide pour le migrant

  • La religion populaire est une religion du secours. Nous ne sommes pas seuls au monde. Cet espace et ce temps sacrés dans lesquels nous nous mouvons sont peuplés de présence bénéfique pour ceux qui savent l’invoquer. Le miraculeux est à la portée de tous les hommes et répond à leurs angoisses.
  • La religion populaire est une religion de l’échange. Pour ce qu’elle offre, elle entend recevoir en contrepartie. Elle entre de plain-pied dans la logique du vœu, dont témoignent d’innombrables ex-voto de par le monde. Toute supplication s’attend à être exaucée, sinon du moins entendue.
  • Le temps de la religion populaire est un temps sacré qui rapproche le passé du présent, qui est mémoire collective. La religion populaire est immémoriale, elle relie à la nuit des temps, au patrimoine collectif, inscrit dans la longue durée dont le peuple est détenteur.
  • On vit et on exprime dans la religiosité populaire des valeurs telles que la convivialité ou l’esprit communautaire. La personne en sort valorisée. Dans chaque fête, il ne peut manquer le repas, comme marque de l’esprit et du besoin d’ouverture, de relation, de communication, d’explosion de vie.
  • Dans la religiosité populaire, les personnes se sentent actives en même temps que spectatrices. La base de toute religiosité populaire se trouve dans la fête et dans la confrérie, comme structure communautaire, qui sert d’appui et de référence. C’est donc structurant pour les immigrés.

Comment accueillir les manifestations de religiosité populaire ?

La piété populaire comporte de nombreux éléments positifs ; d’autres éléments méritent en revanche  d’être évangélisés et appellent un accompagnement pastoral adapté pour affiner les pratiques au message évangélique. L’accueil des demandes relevant de la religiosité populaire demande alors une écoute bienveillante, un discernement et une relecture pastorale.

  • L’attitude pastorale recommandable doit s’inspirer de la manière dont Jésus conçoit son propre ministère : accueillir et faire chemin selon l’Evangile.
  • Certaines coutumes sont bonnes, comme la croyance au monde invisible, la foi en la vie éternelle auprès de Dieu, le lien aux ancêtres, etc. D’autres, en revanche, sont contraires à l’Evangile, comme les sacrifices pour que les esprits tourmentent et apportent le malheur à à quelqu’un. Il est alors essentiel d’apprendre à discerner et à chercher à conformer les pratiques au message évangélique.
  • Prendre en compte l’importance du corporel dans la vie de l’Eglise : toucher, sentir, regarder, écouter, se mouvoir. Etre attentif à l’importance de la musique et du rythme, des images ou des statues, des odeurs, etc.
  • Ne pas rejeter en bloc toute expression de foi qui ne corresponde pas à notre sensibilité. Essayer de reconnaître dans ces expressions de foi un tremplin pour une meilleure insertion dans l’Eglise en France.
  • Permettre des espaces où puissent s’exprimer ces diverses expressions de foi, tout en les accompagnant. Dans le cas contraire, on s’expose à laisser se développer des expressions de foi en parallèle, en marge de la vie de la communauté, ou à favoriser l’influence des sectes et même d’en arriver à la superstition et à la magie.
  • Organiser un pèlerinage, une procession, un moment de dévotion ici, en France, pour honorer ce besoin de religiosité populaire et l’accueillir comme occasion d’évangélisation.

Un tremplin pour créer des ponts entre les hommes ?

  • Le caractère non doctrinal de la religion populaire, et donc son caractère non confessionnel, permet des ponts avec diverses confessions religieuses auxquelles elle ne s’identifie pas. Ce caractère fondamentalement non confessionnel confère à la religion populaire une certaine vertu œcuménique.
  • Certains lieux (comme Lourdes, par exemple) ou certaines manifestations de religiosité populaire (pèlerinages, processions, etc.) fédèrent des croyants d’horizons divers qui s’y retrouvent pour chercher en Dieu force et soutien.
Bibliographie. Religion populaire et chrétiens migrants. Des pratiques, des appels : quelle réponse ?  Cahiers de la pastorale des migrants N°46, Paris, 1993.

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