Bienvenue aux premiers réfugiés !
15 personnes originaires d’Irak et de Syrie sont arrivées à Paris, le 5 juillet 2017, accueillies par les associations et les institutions organisatrices des Couloirs humanitaires en France. L’équipe de la Pastorale des Migrants du diocèse du Mans était présente à l’aéroport Charles-de-Gaulle.
« Pas stressée, émue ! » corrige Annie Bigot, déléguée diocésaine pour la Pastorale des Migrants au Mans. « Quand on voit les camps… Permettre à une famille de se réfugier en France, c’est une belle mobilisation ». Avec Benoît Moulay, prêtre de l’Emmanuel et accompagnateur de la PM pour l’Eglise catholique dans la Sarthe, elle attend la famille syrienne qui sera accompagnée par les paroissiens de La Ferté-Bernard.
« Est-ce que je vais les reconnaître ? » s’inquiète-t-elle, une fleur de tournesol à la main, à l’entrée de la salle Etoile du Terminal 2 E. Elle a pourtant vu la photo des passeports de ses trois protégés, envoyée par Valérie Régnier, Présidente de la Communauté de Sant’Egidio France qui a pris le vol Beyrouth-Paris avec eux.
A ses côtés patiente aussi François Le Forestier, de l’association Fraternité Chrétienne Sarthe-Orient. Depuis 8 ans déjà, des liens se sont créés avec les Chrétiens d’Orient. « 20 familles sont présentes », explique-t-il, évoquant une solidarité spirituelle et matérielle. Lui-même a vécu en Syrie, à Alep puis à Damas. Il a aussi fait sa préparation au mariage à Al-Qaryatayn, où vivaient Antoinette, son mari et leur fils de 30 ans.
Le Père Benoît Moulay ajoute : « Une messe mensuelle en rite maronite est célébrée chaque mois au Mans ». Des jumelages entre paroisses sarthoises et syriennes ont scellé une amitié qui grandit encore avec l’arrivée imminente de cette famille.
La famille logera dans un presbytère
Il y a bien eu « un temps de latence » dans l’histoire de cet accueil. Le collectif a dû renoncer à l’hébergement prévu car les visas ont tardé. Ironie de la vie – « clin Dieu » pour les croyants – un prêtre est décédé. La famille logera au presbytère vacant !
Représentant la Conférence des évêques de France, le Père Carlos Caetano, c.s., Directeur du Service National de la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes (SNPMPI), s’inquiète de l’agitation médiatique autour des familles. N’est-il pas écrit : « Que ta main gauche ignore ce que fait ta main droite » (Matthieu 6, 3) ? Il reconnaît néanmoins l’importance du témoignage : « La société a besoin de ce signe. C’est une provocation pour la société française ».
« Ils arrivent ! » annonce enfin Thomas, 7 ans, de la Communauté de Sant’Egidio, en agitant une rose. Une haie d’honneur se forme devant le salon. « Ils ont suivi l’étoile » plaisante (à moitié) le Père Benoît. Deux personnes en fauteuil roulant – un homme et une jeune femme d’une vingtaine d’années – ouvrent le cortège, sous les applaudissements.
Cinq valises et deux chariots. Toute leur vie d’avant est là. La mère prend Annie par le bras. François salue le père en arabe. Ils se découvrent des amis en commun ! Chrétienne, la famille s’est réfugiée six mois au monastère de Mar Moussa (Syrie). Avec l’aide de Jacques Mourad, prêtre syriaque catholique – enlevé par Daech en 2015 – elle a pu gagner le Liban. Recommandée à Sant’Egidio, elle fait donc partie des premiers réfugiés à emprunter les Couloirs humanitaires. Le protocole prévoit l’accueil de 500 personnes sur 18 mois.
Après les discours de bienvenue, la famille d’Antoinette a pris la route pour Le Mans, avec Annie, François et le Père Benoît. Ouest France veut les interviewer dès le lendemain.
Prises de parole
Présidente du Secours catholique, Véronique Fayet est dans la joie. Ces familles sont « un symbole », celui d’une migration « sûre et légale ». Elle n’oublie pas pour autant les migrants arrivés par leurs propres moyens, « qu’on a du mal à accueillir et que le gouvernement a du mal à voir ». En septembre-octobre, quand de nouveaux réfugiés arriveront, assure-t-elle, les antennes du Secours catholique seront prêtes à intensifier le travail en réseau.
Pour le Pasteur François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante de France (FPF), l’arrivée de ces familles est « un témoignage de générosité et de responsabilité » de la part de la France. « Suis-je le gardien de mon frère ? » demande Caïn (Genèse 4, 9). Le pasteur affirme : « Je suis le gardien de mon frère et de ma sœur ». Il ajoute que ce projet doit « donner du souffle à la République » : « Nous sommes un des pays les plus riches. Nous pouvons aussi être l’un des plus généreux ». Quid de l’Unité des Chrétiens dans cette démarche œcuménique ? Elle est donnée « de surcroît », estime-t-il.
Quant à Jean Fontanieu, Président de la Fédération d’Entraide Protestante (FEP), les accueillis représentent le fruit d’une « coopération » : entre Eglises sœurs « parfois éloignées » mais aussi avec les hébergeurs.
Présidente de la Communauté de Sant’Egidio, Valérie Régnier a parlé d’une « aventure collective ». Elle a remercié les réfugiés pour l’espérance qu’ils mettent en nous.
Représentant la Direction générale des étrangers en France (Ministère de l’Intérieur), Raphaël Sodini s’est dit « heureux » de voir aboutir ce projet « atypique, sérieux et solide ». Mais il a prévenu les familles : « L’administration française, c’est parfois un peu difficile ». Il invite la France à « s’investir davantage » et appelle à « donner à l’asile une dimension internationale ». Il était accompagné par Virginie Sene-Rouquier, Secrétaire générale de l‘Office Français de l’Immigration et de l’Intégration, qui encourage, elle aussi, cette initiative citoyenne complémentaire à ce que propose l’Etat.