Couloirs humanitaires : « Le froid n’est rien face à l’inquiétude de la mort »

Arrivée des Couloirs humanitaires le 27 février 2018.

Arrivée des Couloirs humanitaires le 27 février 2018.

Quatre familles – seize personnes, principalement de jeunes adultes – sont arrivées à Paris, grâce aux Couloirs humanitaires, le 27 février 2018. Un collectif de Mérignac, en lien avec la Pastorale des Migrants du diocèse de Bordeaux, a accueilli une famille syrienne chrétienne. Un signe en ce temps de Carême.

Le Père Didier Tshibangu Tshambaya participe pour la première fois à l’accueil des familles réfugiées en France. Lui-même est originaire de la République Démocratique du Congo. Il ne se considère pas comme migrant mais sait ce que signifie « être sans sol ». Même si ce n’est qu’une « étape ».

« Le Carême est un chemin à trois allées : la prière, le jeûne et l’aumône, souligne-t-il. L’hospitalité est une forme d’aumône. En accueillant ces réfugiés, on offre la terre de France à celles et ceux qui n’ont plus de terre ».

S’il prend un sens particulier en temps de Carême, rappelons que ce projet « pour une migration sûre, légale et ordonnée » est destiné aux personnes vulnérables (besoin de soins, enfant en bas âge, handicap…), sans condition de religion.

Ordonné en Italie où il a choisi la Communauté de Sant’Egidio pour son charisme auprès des pauvres, il est depuis 2011 curé de la paroisse Saint-Pierre, à Charenton-Le-Pont (diocèse de Créteil). Ce soir, il vient aussi soutenir les jeunes de Sant’Egidio dans leur service « bar et buffet ».

Agés de 14 à 20 ans, la dizaine de jeunes est responsable de ce « moment de partage et d’échange », entre les familles et leurs accueillants. « C’est important de soutenir les autres » ; « Ca a du sens et c’est concret » ; « Il y a une bonne ambiance. C’est une expérience à vivre ! » disent-ils. Avec la Communauté, ils participent à des « services » auprès de personnes âgées et de sans-abris. Certains font de l’aide aux devoirs avec « l’Ecole de la paix ».

Alors que l’arrivée des familles est imminente, deux jeunes filles répètent des phrases en arabe : « Bienvenue », « Comment s’est passé votre vol ? », « Comment t’appelles-tu ? »…

« Les Chrétiens sont en danger »

Les voilà enfin, poussant leurs chariots à bagages. Gérard, du collectif de Mérignac, est accompagné par un couple arabophone. Ils attendent une famille syrienne composée des parents, Tanil et Janet, de trois frères, âgés de 27, 21 et 20 ans, et d’une sœur de 10 ans. (Lire le témoignage du délégué diocésain dans le Courrier de la pastorale des migrants n°133 – Février 2018).

On leur offre des fleurs, des pâtisseries orientales, une boisson chaude. Qu’ils sont loin les 20°C de Beyrouth ! A Paris, ce soir, les températures sont négatives. « Le froid n’est rien face à l’inquiétude de la mort » confie Tanil, le père.

Sa fille, Antounila parle un peu français. Elle voudrait voir la Tour Eiffel ! Pourtant, après une nuit à l’aéroport, la famille et son comité d’accueil prendront le TGV pour Bordeaux. Que connaissent-ils de la « la belle endormie » ? « Ils font confiance » traduit la bénévole.

Interrogé sur un message aux paroisses françaises, Tanil insiste : « Les Chrétiens sont en danger. Il faut que tout le monde se sente concerné ».

Des religieuses et des moniales au bout du Couloir (humanitaire)

Interpellées par l’Irakien Nabil Poless, prêtre étudiant à Saint-Eloi (Paris 12e), deux moniales de Bethléem (Paris 16e) – dont une jeune sœur d’origine égyptienne – sont venues chercher une famille originaire de Qaraqosh (Irak). Le père est porté disparu depuis 2007. Deux des fils étaient à la cathédrale Notre-Dame de Délivrance, à Bagdad, le jour de l’attaque terroriste qui a fait 58 morts en 2010…

Après quatre ans au Liban, leur avenir est désormais en France. « Je leur souhaite de s’intégrer. Dans ce pays laïc, on respecte l’humanité », commente le prêtre étudiant qui devrait, un jour, retourner servir l’Eglise dans son pays. Il est conscient que cet accueil est à double tranchant : « L’Irak perd sa jeunesse ». Un constat partagé par les évêques de France qui soutiennent des étudiants irakiens à Kirkouk.

La Famille Vincentienne est venue en force, avec quatre Filles de la charité (Paris 15e), un père lazariste libanais, le président de la Conférence Saint-Vincent-de-Paul à Sainte-Rosalie (Paris 13e) … C’est précisément suite à la sollicitation de ce dernier que l’hébergement d’un père et de ses deux enfants aura d’abord lieu chez Bernadette.

« Ouvrir sa porte, c’est normal » affirme la paroissienne retraitée, (hyper) engagée (accompagnement laïc des fiancés, association culturelle pour les personnes en situation de précarité…). Elle cite les Béatitudes (Matthieu 5, 3-12) mais pense aussi aux millions de Français qui ont trouvé refuge dans le rural, lors de l’Exode de 1940.

Mi-mars, les religieuses prendront le relais. Sœur Danièle explique : « La foi donne de l’audace. Pour saint Vincent, c’est au service des pauvres : à la force de nos bras, à la sueur de nos fronts ». Elle en est convaincue : « Les pauvres convertissent les autres. L’Eglise permet ce type de rencontre ».

« Votre arrivée fait beaucoup de bien »

Le Pasteur François Clavairoly, Président de la Fédération Protestante de France (FPF) et Valérie Régnier, Présidente de la Communauté de Sant’Egidio France, ont encouragé les réfugiés. Le protestant a invité les jeunes à être « volontaires » et leurs parents « à l’humour et à la sagesse ». « Nous sommes très heureux que vous soyez avec nous ce soir, a dit la catholique. Votre arrivée fait beaucoup de bien à la France et aux Français ».

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