Comment prendre en compte les spécificités culturelles dans la liturgie ?

Procession des offrandes apportées par une famille durant la messe célébrée par le pape François, dans le Stade National de Bangkok (Thaïlande), le 21 novembre 2019.

Procession des offrandes apportées par une famille durant la messe célébrée par le pape François, dans le Stade National de Bangkok (Thaïlande), le 21 novembre 2019.

L’Eglise souligne l’importance de l’inculturation de l’Evangile dont l’objectif est la pénétration de l’Évangile dans les cultures. Au service de l’inculturation, l’Eglise admet certaines adaptations de la liturgie, prenant en compte les spécificités culturelles des peuples. Elle sait en effet que la liturgie est un dialogue entre Dieu et son peuple et qu’elle a besoin d’un « langage audible » aux hommes (mots, signes, gestes). Toutefois, elle exige de toute adaptation qu’elle sauvegarde l’unité substantielle de la liturgie et respecte sa double dynamique : l’œuvre rédemptrice du Christ qui s’actualise en son Eglise, et l’œuvre de l’Eglise qui se tourne vers son Seigneur.

Prendre en compte les spécificités culturelles, oui mais jusqu’où ?

  • La liturgie est toujours célébrée en Eglise. Tout en sauvegardant l’unité substantielle de la liturgie, l’Eglise admet les différences légitimes et les adaptations nécessaires. Celles-ci relèvent d’un discernement et d’une décision en Eglise. L’Eglise universelle a ainsi reconnu certains rites locaux pour la célébration de l’eucharistie ou d’autres sacrements comme par exemple le rite zaïrois approuvé par le Saint- Siège en 1988, reconnaissant la prise en compte des éléments de la culture locale (danse, invocation des ancêtres et des saints, bénédiction des lecteurs…).
  • Un rite est toujours « programmé » à l’avance. Cette programmation a un sens théologique fort : elle nous rappelle que la liturgie ne nous appartient pas en particulier, qu’elle est le bien de toute l’Eglise. Certaines formes de la liturgie, notamment les sacrementaux, permettent davantage d’adaptations et l’inclusion d’éléments culturels concrets : gestes, objets, musiques, etc.
  • Bien que l’adaptation de la liturgie aux divers codes culturels apparaisse souhaitable, la correspondance totale entre le langage liturgique et la culture ne doit pas devenir un absolu au point de délégitimer tout écart entre les deux. Il convient de ne pas oublier que la liturgie est en elle-même un appel à se mettre en route, le lieu d’un certain exode, lequel comporte toujours un « dépaysement culturel ». Si l’on oublie cela, on court le risque d’entraver l’action transformatrice et purificatrice de l’Evangile par rapport à toute culture donnée.

Questions repères pour une juste adaptation de la liturgie

  •  La liturgie chrétienne célèbre et actualise l’œuvre du salut, offerte en Jésus Christ. En conséquence, toute adaptation respectueuse reflètera la primauté de la grâce. La relation à Dieu ne s’inscrit pas dans une logique de rétribution, de profit ou encore de confort.
  • La liturgie opère l’avènement d’une culture évangélique laquelle ouvre nos cultures particulières au message universel de l’Evangile. Au sein de l’Eglise, tous sont frères et sœurs, dans la différence de leurs origines et dans l’égale dignité de prêtre, prophète et roi conférée à tous par le baptême.
  • C’est le corps tout entier de l’Eglise qui célèbre la liturgie, ordonné d’une manière communautaire et hiérarchique, selon la diversité des ministères et fonctions. Toute adaptation liturgique devra permettre la participation active de tous à la liturgie et éviter des gestes ou objets établissant des formes de domination ou d’exclusion.
  • La liturgie reflète la transformation de notre vie par la grâce de Dieu. Dans toute adaptation, l’on devra donc proscrire les gestes qui enferment les croyants dans leurs faiblesses et limitations au lieu de les ouvrir à la conversion et la renaissance, en témoins joyeux de la grâce de Dieu et de Son Royaume.
  • Le langage liturgique tranche avec celui du quotidien. Cette rupture a un sens théologique fort : elle manifeste que la liturgie n’est pas du ressort de l’utilitaire ni du purement humain. L’adaptation de la liturgie doit tenir compte des deux impératifs : intelligibilité et rupture. On veillera à ce que les gestes ou les objets choisis soient intelligibles mais marquent une différence avec le quotidien.

 « A la fin de l’ordination, dans plusieurs pays d’Afrique, le nouveau prêtre est revêtu des signes d’un chef : chapeau, lance ou arc et flèches, bouclier. Ces signes sont équivoques, car le ministère sacerdotal n’est pas la chefferie mais le service des frères. Toutefois, si le prêtre préside l’assemblée eucharistique et célèbre les sacrements, il le fait au nom du Christ, qui est Roi. » Guy Villemain, missionnaire

 

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