« Nous ne construisons pas leur avenir, nous essayons de les aider »
Témoignage de l’association « Lanterne Accueil » (Eglise protestante unie de Lyon) lors de la célébration oecuménique qui a rassemblé des représentants des cultes catholiques, protestants, évangéliques, anglicans, coptes et apostoliques arméniens, pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2022.
Notre association a été créée en 2016, dans le but de venir en aide aux réfugiés menacés par les conflits.
Dans un premier temps, nous avons reçu une famille d’Irakiens. Ils sont maintenant autonomes et nous entretenons avec eux des liens amicaux. Les deux enfants qui avaient un gros retard scolaire, compte tenu de leurs antécédents, ont été tout de suite scolarisés et le garçon a pu être intégré dans un lycée professionnel. Il poursuit actuellement des études dans une section d’électricité et tout semble aller bien.
Puis, en 2017, une grande famille kurde syrienne de six personnes, la famille A, qui a connu les pires horreurs à Raqqa en 2014. En octobre 2021, est arrivée encore une fille de cette famille, avec mari et enfant. Et cet été, le beau-frère de celle-ci, venu de Beyrouth, où il a laissé sa famille. Et enfin, la dernière fille A, avec enfant, le mari encore exilé en Turquie, espérant la rejoindre un jour.
Nous rencontrons donc dans cette famille plusieurs générations. Les parents ont mis longtemps à s’habituer à notre manière de vivre et commencent à reprendre leur vie avec l’arrivée des deux filles tant attendues. Ils sont heureux d’avoir reconstitué leur famille auprès d’eux.
Nous devons accompagner les enfants d’âges très différents, selon leurs besoins. Les principales difficultés sont rencontrées dans le choix de leurs études, pour les plus grands. En effet, eux et leurs parents partent dans l’idée qu’il faut aller à la faculté. Les filières que nous leur proposons, BTS ou autre, ne rencontrent pas forcement leur adhésion et nous sommes partagés entre l’idée de les laisser faire selon leurs idées ou de les conduire sur une voie qui les mènera plus sûrement vers un travail.
Construire l’avenir avec les migrants et les réfugiés, c’est d’abord assurer le présent, parfois dans l’urgence à leur arrivée.
– en accompagnant sans infantiliser;
– en étant conscient de nos limites : nous ne sommes pas des travailleurs sociaux, l’empathie ne remplace pas les compétences;
– en prenant le risque de laisser la place progressivement à l’autonomie, tout en gardant les liens humains, qui se renforcent avec le temps, malgré des moments d’incompréhension et de découragement;
– en faisant pour eux des choix prioritaires : soutien scolaire, conseils médicaux, aide financière, logement…
– en découvrant avec stupeur l’humiliation des personnes, à qui l’on impose parfois deux heures d’attente dehors devant la préfecture, Forum réfugiés, ou la CPAM et à qui l’on dit ensuite : « Mettez votre courrier dans la boîte aux lettres, on vous répondra… »
Nous ne construisons pas leur avenir, nous essayons de les aider, ce qui veut dire parfois les faire entrer malgré eux dans le moule occidental, dans lequel la temporalité et la rationalité sont bien différentes.
Inch’Allah !
Avec les réfugiés kurdes syriens que nous accompagnons, nous disons souvent « Inch’Allah », en riant, moins dans l’espérance que dans l’humour fataliste, vu notre sentiment fréquent d’impuissance face aux dédales et aux lenteurs kafkaïennes des démarches administratives. L’OFPRA a un an de retard pour l’établissement de l’état civil des migrants à qui on a accordé le droit d’asile.
C’est peut-être moins l’espérance qui nous anime que la foi dans l’Homme, la conviction que l’accueil de l’étranger est la mise en acte de l’amour du frère, de l’amour du prochain, à travers lequel se réalise, se vérifie, s’authentifie notre amour de Dieu : « J’étais étranger, et vous m’avez accueilli » (Matthieu 25).