L’association La Passerelle loge en HLM à Saint-Etienne
Présentation de La Passerelle par Pascale Chatel, assistante sociale.
L’association La Passerelle est née il y a dix ans de la volonté d’une petite équipe de bénévoles militants, réunie autour du Père André Raymond. Cette association s’est créée pour répondre au manque de places en CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile). Elle propose un hébergement dans des appartements HLM sur la ville de Saint-Etienne. Les demandeurs d’asile sont accompagnés dans leurs démarches administratives pour l’obtention des papiers, dans la vie quotidienne par des bénévoles, pour faciliter l’insertion dans la cité.
Depuis 10 ans, La Passerelle s’est développée. Elle accueille une quarantaine de demandeurs d’asile, dans 14 logements. Une majorité est en attente d’un titre de séjour. Ce sont des familles sortant de CADA pour qui le 115 n’a fait qu’une proposition d’hôtel, ce sont des hommes isolés, souvent malades, qui bien souvent sont en rupture d’hébergement ou ne peuvent se soigner à l’hôtel. Certains sont en formation et nous disent la difficulté de travailler dans une chambre que l’on partage avec d’autres.
Lorsque les personnes sont régularisées, l’association les accompagne pour entrer dans le droit commun : recherche d’emploi, prise de logement, accès aux droits…
L’association fonctionne avec deux types de financement : des financements des Pouvoirs Publics (Etat, sous forme d’Allocation de Logement Temporaire et d’une subvention, ville, département) et des dons. Parmi les donateurs de la Passerelle, une centaine de personnes ont accepté de parrainer trois logements, en s’engageant à verser une somme fixe chaque année. Certains parrainages fonctionnent depuis plusieurs années. D’autres personnes sont en train de réfléchir à la mise en place d’un nouveau parrainage.
Par ailleurs le diocèse soutient l’association en mettant deux cures à disposition.
Depuis cinq ans, l’association a fait le choix de l’embauche d’un travailleur social (une assistante sociale à ¼ de temps) pour renforcer l’équipe des bénévoles. Aujourd’hui, le travail d’accompagnement se répartit entre les bénévoles qui assurent un accompagnement plus au quotidien, à domicile, et le travailleur social pour un accueil des hébergés lors d’une permanence au cours de laquelle sont abordées toutes les questions administratives, accès aux droits, le suivi de la santé, la recherche de logement, de travail…
Aujourd’hui, nous pouvons témoigner de la vie de ces personnes venues chercher un refuge en France et qui se trouvent confrontées à l’inhumanité de l’accueil qui leur est fait.
Aujourd’hui, ce qui nous fait tenir et qui fait que l’association est toujours présente malgré le décès de son fondateur, tient à plusieurs raisons :
• La richesse du tissu associatif de la ville : nous sommes en lien avec des associations qui se battent pour l’accès aux droits, pour l’accès au logement, pour l’accès à l’emploi, pour l’accès aux soins, le soutien psychologique… ce réseau est une vraie force et l’association y a une place à part entière. Elle est reconnue pour son travail atypique et souvent sollicitée comme le dernier recours pour les personnes sans solution d’hébergement, ce qui n’est pas sans nous mettre une certaine pression.
• La reconnaissance des Pouvoirs Publics qui ont fini par nous délivrer les agréments nécessaires à l’attribution des subventions. Nous sommes une petite association qu’ils aimeraient voir s’adosser à une plus grosse mais le soutien d’autres associations, le «professionnalisme» des bénévoles ont fini par avoir raison de leurs réticences, pour l’instant.
• Le soutien de nos donateurs, des adhérents, est aussi un facteur important. Savoir que nous ne sommes pas les seuls à croire que nous devons accueillir autrement, humainement, ces étrangers venus chercher l’asile chez nous, est une vraie force. Certains parrains se retrouvent régulièrement pour réfléchir, nous avons vu évoluer leurs regards sur l’étranger mais aussi sur l’accompagnement social. Un groupe de parrains a souhaité qu’une partie du salaire du travailleur social soit prise en compte dans le financement de l’appartement. Ce qui nous conforte dans notre idée qu’accueillir ne se résume pas à mettre à l’abri mais bien à accompagner dans la vie quotidienne.
• Il y a aussi la joie du travail au quotidien, les petites solidarités dont nous sommes témoins : les cohabitations réussies, un jeune couple qui cohabite avec un jeune majeur et qui nous dit : « c’est un peu comme notre enfant » ; une femme et son adolescente qui accueillent une maman et sa fille de quatre ans et qui lui font une vrai place dans l’appartement ; des co hébergés qui appellent pour prévenir que l’un d’entre eux vient d’être arrêté, ce qui nous permet d’être réactifs plus vite ; des services qui se rendent d’un étage à l’autre dans certaines allées… cela nous fait dire qu’on ne s’est pas trop trompés même s’il y a des problèmes et s’il y a des appartements où il ne règne pas une ambiance de franche camaraderie.
• Mais il y a bien sûr la joie de voir les hébergés partir avec des papiers, un logement, un travail, une formation… même si sortir d’un hébergement sécurisé est parfois difficile, inquiétant, angoissant même pour ceux qui ont connu la rue et qui ne veulent plus revivre cette expérience. La Passerelle est là pour accompagner d’un point à un autre. C’est une passerelle plus ou moins longue suivant les histoires, les aléas des démarches… mais elle est juste un passage. Nous revoyons certains de nos hébergés qui nous donnent des nouvelles dans les moments importants de leur vie, nous apprenons des mariages, des regroupements familiaux, des naissances… Certains passent aux permanences parce qu’il faut remplir un papier, faire un courrier…
Depuis plusieurs années, d’anciens hébergés siègent au conseil d’administration.
• Nous avons aussi beaucoup de projets : l’embauche d’un autre travailleur social qui travaillerait sur la mise en place d’une formation en direction des hébergés. Cette formation aura pour objectif de faciliter la prise d’un appartement et d’amener les hébergés a réfléchir au coût d’un appartement, aux économies d’énergie, aux droits et devoirs d’un locataire…
Nous envisageons aussi de remettre en place une analyse de la pratique avec un psychologue. Cette formation se ferrait en direction des bénévoles et avec d’autres associations.
Dernière idée, une formation sur les droits des demandeurs d’asile, en direction des bénévoles et des travailleurs sociaux.
• Parmi les bénévoles certains sont croyants, d’autres pas, certains sont en lien avec des mouvements d’action catholique, d’autres pas… ce qui nous fait tenir c’est aussi notre conviction qu’un autre monde est possible, que tendre la main à l’autre, l’étranger, participe à la construction d’un monde meilleur où l’homme prend son destin en main, debout… La France est un pays riche où l’on peut faire de la place à l’autre, à l’étranger, humainement. Nous sommes tous convaincus que la solidarité n’est pas un vain mot et qu’elle peut se vivre au quotidien.