Les droits des étrangers vis-à-vis de l’hébergement et du logement en France
Objectif à valeur constitutionnel, le fait de disposer d’un logement (décent) est souvent exigé pour une vie digne1 ; plusieurs lois sur le sujet rappellent le droit au logement dès leur article 1er 2. Le Conseil d’État a aussi érigé l’hébergement d’urgence en droit fondamental3, ce qui permet de contester en urgence un refus d’hébergement devant le tribunal administratif. En juillet 2017, le Président de la République souhaitait qu’il n’y ait plus de sans-abri dehors en fin d’année.
Mais ce droit d’avoir un toit n’en finit plus d’être un simple objectif, comme « l’accueil inconditionnel » en hébergement :
- Le Code de l’action sociale réglemente l’accueil et la prise en charge dans les structures d’urgence de « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale » (cet article L.345-2-2 ne mentionne aucune condition de régularité de séjour) ; mais au fil du temps et de la pénurie, cet accueil inconditionnel a été… conditionné, pour un étranger, par le fait d’être « en règle », puis aussi d’être « vulnérable », puis d’être encore plus vulnérable que les autres… Les 115 (n° d’urgence et de la dernière chance) alertent souvent sur leur saturation et leur impuissance : beaucoup de ceux qui en seraient redevables ne les appellent plus ! L’existence de plans hivernaux d’urgence, pour éviter des morts de froid dans la rue, est en soi un aveu du problème, même si les ministres donnent consigne d’accompagner vers le logement (d’abord) ou vers des solutions.
- La loi DALO (Droit Au Logement Opposable), applicable depuis 2008, fait obligation de ne pas remettre à la rue une personne prise en charge dans un centre d’hébergement et de réinsertion sociale avant l’accès au logement, sauf cas particulier (refus des règles, etc.). Si les étrangers « sans-papiers» ne sont pas exclus de ce droit à l’hébergement (ni des recours pour l’appliquer – DAHO, Droit à l’Hébergement Opposable), les centres freinent l’accueil de ceux qui n’ont accès ni au travail, ni au RSA, ni au logement social et qui risqueraient alors de s’y enraciner. Les « 115 » n’orienteront souvent ces sans-papiers que vers une chambre d’hôtel ponctuelle. De plus, les aides financières au logement, dont les plans en 2018 réduisent d’ailleurs les montants, exigent un séjour « en règle ».
- Depuis la directive européenne « Accueil » (2003), les demandeurs d’asile doivent bénéficier de conditions matérielles d’accueil (dont l’hébergement) pendant l’examen de leur demande. Quoique le dispositif d’accueil spécifique à l’asile ait augmenté le nombre de ses places, ces dernières sont insuffisantes face à la hausse des demandes et à la durée de leur examen. En 2018, la moitié4 des demandeurs, qui remplissent pourtant strictement les conditions pour être hébergés, ne le sont pas et reçoivent alors un supplément d’allocation (7,40 €/jour et par adulte) pour s’héberger par eux-mêmes – un montant atteint seulement après deux revalorisations exigées par le Conseil d’État.
En annexe de ce sujet, il faut mentionner la circulaire interministérielle sur les évacuations de campements illicites5 : réactualisée en 2018, elle demande que des évaluations avec entretien et accompagnement soient menées avec des pistes de solution avant toute évacuation. D’autre part, à la suite de leur décision sur la situation sanitaire des exilés à Calais (« Jungle »), les tribunaux administratifs, confortés par le Conseil d’État6, exigent des pouvoirs publics la mise en place d’un minimum (eau, toilettes, etc.) pour survivre dignement, même dans les campements.
Jean Haffner, rédacteur de notes mensuelles sur la migration
(1) 10ème alinéa du préambule de la Constitution. (2) Lois n°82-526 (droits et obligations des locataires et des bailleurs) ; n°89-462 (améliorer les rapports locatifs) ; n°90-449 (mise en œuvre du droit au logement) ; n°98-657 (lutte contre les exclusions) ; n°2007-290 (droit au logement opposable – DALO), etc. (3) Ordonnance du Conseil d’État du 10 février 2012, M. A, n°356456. (4) Voir le rapport (p. 24 à 26) pour le projet de loi de finances 2019 : il indique 51,9 % en septembre 2018. (5) Circulaire du 26 août 2012, mise à jour par une nouvelle instruction interministérielle du 25 janvier 2018. (6) Le 31 juillet 2017, le Conseil d'État rejette l’appel contre le jugement du Tribunal Administratif de Lille par la Mairie de Calais et l’État.