Les migrants, vecteurs du vivre ensemble

couv_accueillir_ecouter_migrantsPatrice Sauvage est diacre permanent et théologien, aumônier du Secours catholique en Saône-et-Loire, responsable de l’Equipe Solidarité du doyenné du Mâconnais, ancien animateur du comité de suivi théologique de Diaconia. Il présente « Accueillir, écouter les migrants : un partage d’humanité » (Ed. Franciscaines, Collection Servons la Fraternité).

Comment cet ouvrage est-il né ?

Avec la collection « Servons la Fraternité », nous avons voulu donner des suites à Diaconia, en présentant des expériences et en donnant une sorte de mode d’emploi à celles et ceux qui veulent mettre en oeuvre la diaconie. Toutes les propositions travaillées à Diaconia sont un peu restées « en attente ». Nous voulons les faire revivre. L’idée est de montrer que ce n’est pas si difficile de s’engager avec les migrants. C’est un chemin spirituel, un chemin de foi. Et que l’on soit chrétien ou non, on perçoit avec eux un enrichissement de son humanité.

Quelles expériences présentez-vous ?

Nous valorisons la démarche « Place et parole des migrants » vécue par le Réseau Chrétien-Immigrés. Bénévoles et migrants ont beaucoup dialogué dans le cadre de Diaconia. La journaliste Aurore Chaillou (Revue Projet) présente les paroles des migrants et Elena Lasida (Conférence des évêques de France) en fait une relecture spirituelle, en s’inspirant de La Joie de l’Evangile. Jean-Claude Caillaux (Réseau Saint Laurent) avait animé le groupe « Place et parole des pauvres » pour Diaconia : on lui a demandé de mener la même démarche avec les migrants.
Nous la présentons ici avec ma propre expérience en Saône-et-Loire. Nous avons créé, depuis maintenant une dizaine d’années, une « cagnotte », alimentée par les paroissiens de tout un doyenné. Au départ, il s’agissait de monter une « Equipe Solidarité » à partir des paroisses du doyenné : en tant que diacre, on m’a demandé de l’animer. Or l’équipe de Tournus était sollicitée pour héberger des familles de migrants, déboutées du droit d’asile. A Cluny, autre petite ville du doyenné, l’équipe du Secours catholique a emboîté le pas et la délégation du Secours Catholique a accepté de gérer cette caisse destinée à héberger des familles déboutées (pendant des années).
Puis nous avons souhaité aller plus loin dans l’accompagnement. Il ne s’agissait plus simplement d’héberger mais aussi d’assurer une aide administrative pour la régularisation des dossiers et un soutien spirituel. En lien avec le Réseau Saint Laurent sont ainsi organisées, chaque trimestre, des rencontres spirituelles dans des monastères, avec les cinq familles que nous accompagnons actuellement. Là, nous sommes vraiment à égalité : on s’apporte mutuellement. Toutes ces personnes, parties de chez elles et qui ont connu tant de difficultés, tiennent par leur foi.
Le sous-titre du livre, « un partage d’humanité », exprime bien la richesse de ces rencontres qui profitent aux bénévoles du Secours catholique ou aux paroissiens de Tournus, mais pas seulement. Pour preuve, la communauté de communes de Cluny est impliquée désormais dans une démarche de solidarité autour de l’hébergement des migrants, notamment des déboutés.

Pourquoi Frère Alois, prieur de Taizé, signe-t-il la préface ?

A Taizé, Frère Alois a accueilli de jeunes réfugiés originaires du Soudan puis des migrants mineurs de Calais, après le démantèlement. Le fait que Taizé s’implique a donné encore plus d’ampleur à notre initiative modeste. Frère Alois a réussi à mobiliser autour de lui tout le Clunisois.

Quel message souhaitez-vous transmettre à l’occasion de cette parution ?
Quand ils sont accompagnés, les migrants apportent énormément à la collectivité. C’est ça qui est absolument fantastique. Pour la communauté chrétienne, cela donne du sens à beaucoup de choses. Cela fait connaître l’Eglise comme un lieu d’engagement solidaire et fraternel. Pour faire vivre la fraternité, il faut parfois des personnes en grande difficulté, pour lesquelles on va se mobiliser. A travers elles, des liens subtils se tissent entre nous. Ces immigrés peuvent être acteurs de fraternité, entre eux et vis-à-vis des Français qui les accompagnent.

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