Mgr Jachiet : « Auprès des migrants, il y a du travail pour tout le monde »
Près de 400 personnes, prêtres et membre des conseils pastoraux des 106 paroisses parisiennes, étaient réunies, samedi 13 janvier 2018, à l’église Saint-Denys de la Chapelle (XVIIIe) autour de Mgr Michel Aupetit, nouvel archevêque de Paris. Mgr Denis Jachiet, évêque auxiliaire de Paris, en charge de la Pastorale des Migrants à la Conférence des évêques, a participé à la matinée. Propos recueillis par C.R.
Qui composait l’assemblée, samedi 13 janvier à Paris ?
Nous étions accueillis par le Père Kokoli-Cé Hervé Loua, curé d’origine guinéenne de cette grande paroisse de Paris. Des personnes engagées et expertes, comme Bruno Magniny, le Directeur du Cèdre (Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés) dans le XIXème, le Père Yves-Marie Clochard-Bossuet, curé de Notre-Dame-des-Foyers (XIXe) – où agit l’Association Solidarité Notre-Dame de Tanger avec Sœur Marie-Jo Biloa – ont pris la parole. Ont pris part à une table ronde Jérôme Perrin, qui a fédéré 4 paroisses du XIIIème arrondissement pour une opération d’envergure avec la Mie de Pain, Mgr Benoist de Sinety, Vicaire général, et Charles Gazeau, diacre, chargés de la Solidarité dans le diocèse de Paris.
Quelle était l’ambiance de cette journée ?
Elle était placée sous le signe de la rencontre. Nous avons commencé la matinée en traversant le lieu d’accueil où les paroissiens apportent des vivres tous les samedis. Les migrants viennent y prendre un café. Nous avons passé un peu de temps avec la vingtaine qui était là. Nous n’étions pas venus uniquement pour échanger des pratiques mais aussi pour les écouter, les rencontrer. Plusieurs d’entre eux ont témoigné, dont Tess, un Erythréen. J’ai été touché par sa détermination à s’intégrer. La rapidité avec laquelle il a appris le français est étonnante. Un autre jeune, arrivé mineur en France, a été accueilli en Seconde, à l’Institut du Marais ‑ Charlemagne – Pollès (enseignement privé). Dans son témoignage, le directeur, Frédéric Bance, a dit que pour l’accueillir dans son établissement, il n’y avait pas de problème, que des solutions. Les professeurs donnent des cours de soutien gratuits, des élèves l’ont filmé raconter son histoire pour un projet vidéo. L’établissement a accueilli quatre migrants, tous sont insérés et deux sont têtes de classe !
Que retenez-vous des échanges ?
Lors du débat, plusieurs personnes ont pris la parole, soit pour présenter leur projet soit pour demander des renseignements. Tout le monde est en recherche. Personne ne dit qu’il a la solution ! Je dirais que l’important est de se laisser conduire par les besoins et les possibilités effectives sur place. Le deuxième point est la nécessité de créer des synergies : soit entre plusieurs paroisses voisines, comme dans le XIIIème, soit en coopérant avec des associations. Je constate que quand on se lance, on trouve des volontaires. J’ai beaucoup entendu parler de cours de français. Cela se fait dans plusieurs endroits. Il ne s’agit pas simplement d’assurer une prestation (cours, repas) mais aussi d’offrir de la chaleur, de la présence, de l’estime. Je crois qu’on sait vivre cela en paroisse, dans une démarche de développement humain intégral. J’ai entendu aussi qu’accueillir une famille mobilise 25 personnes. Dans les paroisses, pour l’opération Hiver solidaire, 50 à 80 volontaires se relaient pour accueillir 5 personnes de la rue de façon conviviale. Cela fait du bien à tout le monde. Ou alors, comme dans le XIIIème, on monte un partenariat avec Solidarités Nouvelles pour le Logement (SNL) puis on sollicite les paroissiens pour payer une partie du loyer. Certains verseront 10 euros tous les mois, d’autres 100. Des dizaines de paroissiens s’engagent ainsi. Il y a du travail pour tout le monde ! L’accompagnement des migrants n’est pas réservé aux spécialistes !
Quel signal la présence de Mgr Aupetit donne-t-elle ?
Mgr Aupetit a précisé que cette journée avait été préparée par le cardinal André Vingt-Trois mais qu’il en était très heureux car, pour lui, cela manifeste la mobilisation des parisiens pour répondre à un appel concret. Paris fait partie des quelques lieux en France où l’on n’échappe pas à la question migratoire. Pourtant, tous les quartiers de Paris ne voient pas de migrants. Très visibles dans le XVIIIème ou le XIXème arrondissement, ils le sont beaucoup moins dans le XVème ou le XVIème. L’archevêque a invité à une mobilisation générale, en disant qu’il ne faut pas séparer les problèmes : il n’y a pas d’un côté ceux qui s’intéressent à la bioéthique et de l’autre, aux migrants. Tout se rejoint dans le respect de la vie humaine. Quand on a croisé le regard d’une personne en véritable détresse, on en parle différemment après – qu’elle soit handicapée ou migrante. Pour lui, c’est la défense de la vie et notre capacité à y répondre qui sont en jeu.
Quels fruits recueillez-vous de ce temps fort ?
Cela me ramène à la réalité concrète. Dans mes rencontres avec les migrants est revenue la question de la peur – d’être contrôlé, arrêté, expulsé. Ils ont cette peur-là au ventre. D’où la question des lieux d’hébergement d’urgence : s’ils deviennent des lieux de contrôle, les migrants sans-papiers ne viendront plus. Cela me paraît très clair. Il nous faut développer un premier accueil humain, chaleureux et inconditionnel.