Plaidoyer de la « Revue Projet » pour sortir les réfugiés de l’impasse
A l’occasion de la sortie de « Réfugiés : sortir de l’impasse », numéro spécial de la Revue Projet (Juin 2017), la presse était invitée au CEDRE, accueil de jour du Secours catholique, à Paris (19e).
Au programme : le témoignage d’un jeune réfugié accompagné par le Service Jésuite des Réfugiés (JRS), un bilan de la politique migratoire française par un chercheur de l’Institut français des relations internationales (IFRI) et des points de vigilance présentés par la présidente de La Cimade.
Une vie « en suspens » pendant 18 mois. Un flux continu et en augmentation, c’est le constat dressé par Aurélie Radisson (Secours catholique), adjointe de la direction au CEDRE (Centre d’entraide pour les demandeurs d’asile et les réfugiés). En 2016, plus de 4.000 personnes ont trouvé dans ce lieu situé au-delà du boulevard périphérique, près de la Porte de la Villette, un soutien administratif et des cours de français, grâce à une centaine de bénévoles. « Les migrants viennent ici se faire accompagner alors que l’Etat est censé les orienter » déplore-t-elle, soulignant la « grave précarité » dans laquelle se trouvent les accueillis. En raison des accords de Dublin – qui imposent à un seul Etat la responsabilité de la demande d’asile et prévoient le renvoi dans le pays d’arrivée – il leur est impossible de demander une protection en France. Une situation « incohérente » pour les personnes (langue, attaches familiales) et très lourde pour les pays du Sud – l’Italie et la Grèce, portes d’entrée des migrants en Europe.
« Accueilli comme leur enfant ». Mauritanien, orphelin de père et de mère, Abou Sow est arrivé seul en France début 2016. Accompagné par le programme Welcome France (JRS), il a connu 14 familles qui l’ont accueilli comme leur enfant, pour des séjours de 6 à 8 semaines. Il remercie JRS tout en rappelant que la France a une mauvaise image. On l’avait d’ailleurs prévenu : « La France n’est pas un beau pays ». Au CEDRE, il peut faire du théâtre, du foot, suivre des cours de français. « On peut rencontrer du monde : des Maliens, des Afghans, des Syriens… » témoigne-t-il.
L’hébergement, un casse-tête depuis 15 ans. CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile), CAO (Centre d’Accueil et d’Orientation) et CAOMI (Centre d’Accueil et d’Orientation pour les Mineurs Isolés Etrangers) ou CHU Migrants (Centre d’Hébergement d’Urgence) ? Matthieu Tardis, chercheur de l’Institut français des relations internationales (IFRI), a détaillé les schémas mis en place par l’Etat pour l’hébergement. « La France a été condamnée par l’Union Européenne » a-t-il commenté. En 2012, la réforme du droit d’asile fait du CADA le lieu-clé. Mais l’implantation sur le territoire français ne tient pas compte de la concentration des besoins, à savoir en Ile-de-France et dans la région de Calais. Les places manquent toujours. Le « Plan Migrants » de juin 2015 annonce des relocalisations. Mais les réalisations sont faibles au regard des engagements pris par la France. Il était notamment question d’accueillir 10.000 réfugiés en provenance du Moyen Orient (Syriens ou Irakiens) : seuls 1.500 sont arrivés.
Pour une Europe de l’accueil. Pour Geneviève Jacques, présidente de La Cimade, les accords de Dublin créent « des obstacles à répétition » et « une attitude de méfiance et de suspicion ». Il est même « injuste » de faire porter à l’Italie et à la Grèce « la pression » migratoire. Elle pointe aussi les différences de critères entre pays européens : bénéficiaires du droit d’asile en France, les Afghans sont renvoyés dans leur pays par la Norvège ou l’Allemagne. La Cimade demande donc un moratoire sur les transferts Dublin, dans l’attente d’un (meilleur) accord européen. Dublin ne fonctionne pas et « tous les pays européens sont d’accord sur ce constat ». Autre point sensible, le délit de solidarité qui s’est généralisé dans la région de Vintimille et dans la Vallée de la Roya. La Cimade estime qu’il est temps pour l’Etat de « soutenir les initiatives citoyennes » au niveau local, au lieu de les pénaliser. A l’approche des législatives, la Cimade promet d’exercer « une vigilance active ».
A lire dans « Réfugiés : sortir de l’impasse »
« Qu’en dit l’Eglise ? » (ou la pensée sociale de l’Eglise sur l’accueil de l’étranger) ; « Une politique de gestion des flux » (point sur l’hébergement par Matthieu Tardis) ; « Les migrants au village » (reportage dans le Tarn et le Tarn-et-Garonne) ; « Une convention vaut mieux que deux tu l’auras » (sur le droit international, socle des politiques migratoires) ; « Rejeter les exilés sur les voisins » (sur Dublin et le sort des mineurs) ; « Avant j’étais vide d’espoir » (témoignages de migrants accompagnés par le JRS)… Le tout illustré par le reportage de Frédéric Pétry, « Au cœur d’un CAO pour migrants ».