CNCDH : Avis sur la situation des migrants à Grande-Synthe

couv_avis_cncdhAu début de l’année 2016, la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) a été alertée par plusieurs de ses membres (Médecins du Monde, France Terre d’Asile, le Secours Catholique et La Cimade) de la situation extrêmement préoccupante des migrants en transit présents dans la commune de Grande-Synthe (Nord).

L’initiative pragmatique et courageuse prise par le maire d’établir un camp provisoire conforme aux normes humanitaires avec l’aide de Médecins sans Frontières (MSF) courait le risque d’être remise en cause par la préfecture du Nord pour des raisons de sécurité. La Commission a immédiatement décidé de s’autosaisir de ces questions et souhaité disposer d’un constat objectif.

Les axes forts de l’avis

L’engagement exemplaire de la commune de Grande-Synthe et de la société civile. 190 à la fin d’août 2015, les migrants étaient plus de 3000 à la fin de décembre 2015 à Grande-Synthe, vivant dans la boue, sous des bâches, dans un dénuement total sur le terrain du Basroch. Révolté par les conditions de vie inhumaines et dégradantes des migrants, majoritairement des Kurdes d’Irak, le maire a décidé, avec le soutien d’associations (notamment Médecins sans Frontières et Utopia 56), d’ériger un camp humanitaire provisoire sur le terrain dit de la Linière. Au début du mois de mars, 1300 migrants y ont été transférés. Lors du déplacement de la délégation de la CNCDH sur place, ils étaient 1100, dont 93 femmes et 119 enfants. La CNCDH salue l’engagement citoyen, ayant constaté que la gestion quotidienne du camp reposait sur une centaine de bénévoles, coordonnés par l’association Utopia 56 au coeur du dispositif.

Le soutien tardif mais salutaire du Ministère de l’Intérieur. La CNCDH ne peut que se réjouir, qu’à la suite de son déplacement à Grande-Synthe et du courrier qu’elle a adressé au Ministre de l’Intérieur le 24 mars dernier, un dialogue constructif se soit mis en place et que le Ministre se soit engagé à suivre les recommandations de la Commission. « Alors que le Conseil de l’Europe, l’ONU n’ont de cesse d’exprimer leurs inquiétudes pour les migrants en Europe notamment, il n’était en effet pas acceptable que l’Etat soit réticent à s’engager pour que des femmes, des enfants et des hommes retrouvent tout simplement des conditions de vie décentes.» rappelle Christine Lazerges, Présidente de la CNCDH.

La CNCDH note ainsi avec satisfaction la mise en place d’un comité de pilotage chargé notamment de la gestion des demandes d’asile, de l’orientation en CAO et de la lutte contre les réseaux de passeurs. Elle salue l’engagement de l’Etat concernant la prise en charge des frais de fonctionnement du camp.

La Commission attire l’attention des pouvoirs publics sur trois points essentiels :

Accompagner les migrants dans leurs démarches de demande d’asile. La majorité des migrants se disent « en transit », désireux de rejoindre des proches au Royaume-Uni. La CNCDH note le développement des procédures de regroupement familial, qu’elle juge néanmoins trop insuffisant. La Commission recommande que les migrants soient mieux informés et accompagnés dans leurs démarches de demande d’asile en France, notamment par un point d’accès au droit et un lieu dédié à l’accompagnement administratif et juridique.

Lutter contre les réseaux de passeurs et de traite des êtres humains. Rapporteur national indépendant sur la lutte contre la traite et l’exploitation des êtres humains, la CNCDH appelle les pouvoirs publics à être extrêmement vigilants quant à la possible survenance de faits de traite dans le camp de Grande-Synthe. Il importe en particulier d’identifier et d’informer les victimes potentielles de traite et de mettre en oeuvre les mesures de protection nécessaires. La Commission recommande en outre la mise en oeuvre d’une politique pénale intransigeante et ambitieuse de lutte contre le trafic organisé des personnes migrantes.

S’assurer d’une meilleure prise en charge des mineurs isolés étrangers (MIE). La CNCDH s’est inquiétée de la présence de MIE dans le camp de la Linière lors de sa visite, et rappelle une nouvelle fois que ces derniers doivent pouvoir accéder à tous les dispositifs de l’aide sociale à l’enfance.

Image

Sur le même thème