Contre des pratiques qui dissuadent de demander l’asile en France

Lettre ouverte des organisations membres de la CFDA (Coordination française pour le droit d’asile) au ministre de l’intérieur.

Monsieur le ministre,

La Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) vous interpelle au sujet de la situation que vivent un grand nombre de réfugiés à Paris afin que vous mettiez un terme aux pratiques de dissuasion auxquels se livrent les services de l’État à leur égard.

La CFDA condamne ces pratiques, en flagrante contradiction avec la politique d’accueil que revendique la France et par ailleurs imposée par ses obligations européennes et internationales. Ces pratiques contredisent également les annonces que vous avez régulièrement faites sur les moyens déployés pour permettre à celles et ceux qui ont besoin d’une protection internationale de demander l’asile en France.

Au cours des dernières semaines, et notamment lors des expulsions réalisées dans le quartier de Stalingrad à Paris, plusieurs des organisations membres de la CFDA sont venues en aide à des personnes en demande d’asile qui avaient été arrêtées dans le cadre d’opérations d’évacuation des campements dans lesquels elles survivaient. Plusieurs s’étaient en outre vues notifier une mesure d’éloignement forcé du territoire (OQTF).

Pour la plupart, ces personnes sont les doubles victimes d’un système d’enregistrement des demandes d’asile qui, un an après sa réforme, ne fonctionne toujours pas correctement, et d’un dispositif d’accueil incapable d’assurer efficacement et rapidement un hébergement digne pour les personnes en demande d’asile.

Parmi les personnes faisant l’objet d’une OQTF, certaines étaient en attente d’un accès à une plateforme d’accueil pour demandeurs d’asile, accès rendu excessivement difficile du fait du nombre limité, sur instruction des préfectures, de rendez-vous délivrés par ces plateformes. D’autres au contraire disposaient d’un rendez-vous en vue d’initier les démarches nécessaires au dépôt de leur demande d’asile.

Infliger à ces personnes le traitement administratif s’appliquant aux étrangers en situation irrégulière constitue une violation du droit d’asile et revient à nier purement et simplement les difficultés considérables qui sont opposées à leurs démarches. Ainsi, ce traitement ne semble être infligé que pour les dissuader de demander protection à la France.

La plupart ont fui une guerre, un conflit ou des persécutions. Elles ont souvent été durement éprouvées durant leur trajet d’exil. Faute de pouvoir bénéficier de la rapide mise à l’abri que la procédure d’asile devait leur garantir, le premier « accueil » qu’elles trouvent en France est celui de campements informels insalubres. Elles doivent désormais compter avec la violence des expulsions à répétition de ces abris précaires, et la perspective d’être éloignées du territoire français, après avoir subi l’enfermement en centre de rétention.

Certes, il reste théoriquement possible de demander l’asile en rétention. Cependant, les possibilités d’accompagnement dans cette démarche sont notoirement plus restreintes, les délais d’instruction extrêmement courts, et les chances de bénéficier d’une protection internationale, comme vous le savez, statistiquement considérablement plus réduites.

Rien ne saurait justifier d’infliger un tel traitement à des personnes qui tentent de faire valoir le dernier droit qui leur reste, celui de solliciter l’asile.

Pour la CFDA, ces pratiques sont injustifiables et il doit y être mis fin sans délai. La CFDA rappelle que, en vertu de la législation européenne et française, l’enregistrement des demandes d’asile doit être réalisé dans un délai de 3 jours et que tout demandeur d’asile doit avoir accès à un dispositif d’accueil à même de lui garantir le respect de sa dignité.

Nous vous demandons donc de donner toutes les consignes nécessaires à votre administration pour que soient annulées les OQTF notifiées à des personnes qui avaient tout fait pour que soit enregistrée leur demande d’asile, et pour que les demandeurs et demandeuses d’asile ne soient plus les victimes des défaillances du dispositif d’accueil qui est censé les aider dans leurs démarches et ce dans les meilleures conditions.

Dans l’attente de votre réponse, nous vous prions de croire, Monsieur le ministre, en l’assurance de notre considération distinguée.

Organisations membres de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA) signataires :

  • Amnesty International France
  • Ardhis (Association pour la reconnaissance des droits des personnes homosexuelles & transsexuelles à l’immigration et au séjour)
  • Comede (Comité médical pour les exilés)
  • Gisti (Groupe d’information et de soutien des immigré.e.s)
  • LDH (Ligue des droits de l’Homme)
  • Mrap (Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples)

Plus d’information (Site CFDA)

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