Rapport du Sénat sur les mineurs non-accompagnés

Logo_Sénat_Republique_françaiseFin 2016, la commission des affaires sociales du Sénat nommait Élisabeth Doineau (UDI), sénatrice de la Mayenne, et Jean-Pierre Godefroy (SOC), sénateur de la Manche, rapporteurs d’une mission d’information relative à la prise en charge sociale des mineurs non-accompagnés (MNA). Leur travail comporte une série de 30 propositions – d’ordre juridique, financier, éducatif, sanitaire…

Qui sont les MNA ?

Terme utilisé en droit européen, « Mineur non-accompagné » (MNA) a remplacé « Mineur isolé étranger » (MIE). Dans ce rapport, on peut lire que le phénomène a démarré dans les années 1990 et qu’en 2010, le nombre de ces mineurs pris en charge était estimé à 4.000. Il atteignait 13.000 en décembre 2016, 18.000 en juin 2017.  Il pourrait dépasser 25.000 à la fin de l’année 2017.

Les statistiques de la Mission MNA (au sein de la sous-direction des missions de protection judiciaire et d’éducation, rattachée au Ministère de la Justice) montrent pour 2016 que la majeure partie des jeunes arrivant en France sont âgés de 15 à 18 ans. Près de 95 % étaient des garçons. La part des évaluations concluant à la minorité et à l’isolement est aujourd’hui proche de 40 % à l’échelle nationale.

En 2017, l’origine des MNA est principalement l’Afrique (71 %). 44 % sont viennent d’Afrique de l’Ouest, 14 % d’Afrique du Nord et du Maghreb et enfin, 27 % du Sahel.

Le rapport constate que « les modalités d’arrivée en France et le profil des MNA semble indiquer qu’un nombre important d’entre eux correspond davantage à la catégorie des « mandatés », c’est-à-dire des jeunes « dont le départ a été incité, voire financé par la famille ou les proches afin qu’ils puissent apprendre un métier et rembourser ultérieurement le coût de leur voyage » (selon une typologie établie par une étude publiée en 2013). Il en découle une première proposition des sénateurs qui consiste à lutter contre les filières qui organisent ces arrivées (Proposition n°1).

Qu’ont fait les rapporteurs ?

Les rapporteurs ont auditionné des acteurs de la prise en charge des mineurs non-accompagnés. Ils se sont déplacés dans trois départements emblématiques de la situation des migrants en France, dont le Nord (Calais) et les Alpes-Maritimes (Vintimille). Le rapport s’appuie donc sur des cas concrets.

Ils ont par ailleurs rencontré des diplomates de pays d’où sont principalement originaires les MNA – la Guinée et la République démocratique du Congo – au sujet de l’authentification des documents d’identité. Les aider à développer un système d’état civil fiable « ne peut être que bénéfique » notent-ils…

On rappelle que les mineurs ne sont pas soumis aux règles de séjour des étrangers et qu’ils ne peuvent personnellement faire l’objet d’une mesure d’éloignement. Référence est faite également à la Convention internationale des droits de l’enfant (Cide).

L’accueil, la mise à l’abri et la prise en charge des MNA relèvent des conseils départementaux, dans le cadre de la protection de l’enfance. On apprend que le coût annuel total de la prise en charge des jeunes migrants, depuis leur arrivée sur le territoire jusqu’à leur majorité, est estimé par l’Aide sociale à l’enfance à environ un milliard d’euros pour 2016. On détaille plus loin que le coût financier annuel moyen d’un jeune s’élève à environ 50.000 euros, soit 140 euros par jour.

Des bonnes pratiques encouragées

Les rapporteurs s’inquiètent d’un possible conflit d’intérêts pour les organismes missionnés à la fois pour l’évaluation et pour la mise à l’abri. Ils citent en bonne pratique le cas de Paris, où la Croix-Rouge gère l’évaluation, tandis que la mise à l’abri est assurée par France Terre d’asile.

Sur le volet de l’hébergement d’urgence, ils relaient notamment la « double saturation des structures d’accueil et des établissements hôteliers », dénoncée par les associations.

Ils consacrent un long chapitre à l’évaluation, processus semé d’embûches (barrière de la langue, formation des évaluateurs, méthode controversée de l’expertise osseuse), dont le délai excède généralement les 5 jours prévus et qui permet (ou non) une prise en charge. Le dispositif « Trajet » de Lille est mis en avant pour sa « flexibilité » (plusieurs lieux d’entretiens possibles, 20 interprètes), sa « rapidité » (3 à 4 évaluations par jour, 1h30 à 3 heures de rendez-vous) et sa « fiabilité » (connaissances juridiques, géopolitiques et linguistiques des évaluateurs).

L’idée de faire passer aux jeunes migrants un bilan de soins exhaustif est étudiée. La Proposition n° 15 encourage les agences régionales de santé (ARS) à suivre l’exemple de Médecins du monde. Certains de ses programmes (sur Paris, Caen et Nantes) proposent aux jeunes migrants non-accompagnés un accueil de jour avec des consultations de médecine générale, ainsi que des consultations de santé mentale, « essentiellement guidées par une approche de psychiatrie transculturelle », qui prend en compte les dimensions culturelles, linguistiques et sociales.

Les sénateurs encouragent l’accueil familial bénévole – avec suivi et formation – comme il est vécu en Loire-Atlantique par la « cellule mineurs isolés étrangers » – alternative aux Maisons d’enfants à caractère social (MECS) et à l’hébergement hôtelier.

Avec la Proposition n° 26, ils souhaitent qu’on veille « à ce que le droit inconditionnel à l’éducation soit respecté pour tout mineur non-accompagné âgé de plus ou moins de 16 ans ». Ils se préoccupent également de la formation professionnelle des jeunes car cette donnée est déterminante pour l’admission au séjour à leur majorité. Ils soutiennent les « contrats d’accueil provisoire du jeune majeur » qui peuvent donner lieu au versement d’une allocation et à un accompagnement personnalisé vers l’emploi.

Le rapport se conclut par son examen en commission, qui a donné lieu à différentes prises de parole, et par la liste des experts auditionnés dont notamment Apprentis d’Auteuil et l’association « Hors la rue ».
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