3 questions à Benjamin Serven

Benjamin Serven est responsable des actions de soutien aux demandeurs d'asile et aux réfugiés à l'Ordre de Malte France.

Benjamin Serven est responsable des actions de soutien aux demandeurs d’asile et aux réfugiés à l’Ordre de Malte France.

Précédemment juriste dans un centre de rétention administrative à Lille, Benjamin Serven est responsable des actions de soutien aux demandeurs d’asile et aux réfugiés à l’Ordre de Malte France. Depuis trois ans, l’association accompagne des réfugiés via le Pôle Migrants qui emploie une vingtaine de salariés. Propos recueillis par C. Rocher (SNPMPI) pour le Courrier de la pastorale des migrants n°133 (Février 2018).

Quelle réponse l’Ordre de Malte France apporte-t-il aux populations du Proche et du Moyen-Orient ?

Tout a commencé quand Mossoul (Irak) est tombé aux mains de Daesh, à l’été 2014. Le Ministère de l’Intérieur et le Ministère des Affaires étrangères ont mis conjointement en place un visa exceptionnel au titre de l’asile, pour des minorités confessionnelles irakiennes persécutées par Daesh et qui pouvaient faire état d’attaches en France (famille, collectif paroissial). Sans quotas ni limite de nombre.

personnes sont accueillies en Indre-et-Loire, notre principal département d’activité. Mais nous avons développé la mission dans 8 départements. Fin 2017, plus de 560 personnes auront été accompagnées par l’Ordre de Malte France. Ce sont des chrétiens mais aussi des Sabéens-Mandéens (minorité irakienne qui suit Saint Jean-Baptiste) et des familles musulmanes. L’accueil est inconditionnel. Tous doivent faire une demande d’asile. Pour la plupart, les entretiens sont réalisés dans le pays d’origine. La réponse de l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) arrive par courrier. Pour les autres, l’Ordre de Malte France est habilité à accompagner les demandeurs d’asile lors du rendez-vous OFPRA. Nous étions présents à 25 entretiens en 2016. Nous atteindrons probablement les 40 en 2017. Nous préparerons aussi les personnes à cette entrevue.

Comment ces familles sont-elles accueillies en France ?

Nous sommes présents dès l’arrivée et les accompagnons dans toutes leurs démarches juridiques et administratives. A Tours, l’association d’accompagnement social Coallia prend le relais pour l’accompagnement vers et dans le logement, et l’accompagnement socio-professionnel. Nous avons pu dépasser la barrière de la langue grâce à des arabophones, bénévoles et interprètes professionnels.

La plupart du temps, ces familles sont hébergées par leurs proches. Quelques paroisses ont répondu à l’appel du Pape en 2015. Des associations paroissiales créées pour l’occasion accueillent des chrétiens d’Irak ou de Syrie dans le Morbihan, le Nord, en Ille-et-Vilaine et dans les Yvelines. L’Ordre de Malte France joue alors un rôle de consulting pour l’accueil et d’expertise pour les démarches administratives.

En Indre-et-Loire, un comité de pilotage se réunit tous les deux mois : il rassemble autour de la table un certain nombre de partenaires : services publics (Conseil départemental, direction départementale de la cohésion sociale, CAF…), autorités locales (préfecture) et bailleurs sociaux, pour échanger sur tous les dossiers. Comme nous connaissons bien les familles, nous pouvons mettre en avant les situations de vulnérabilité (âge, pathologie…) lors des demandes de logement. Nous avons reçu l’an dernier un soutien financier de la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) au titre de l’accompagnement mené auprès des familles.

Quelles bonnes pratiques pouvez-vous partager avec les collectifs ?

Le modèle des associations paroissiales est intéressant et à développer car les besoins sont croissants. C’est une autre manière d’accueillir qui permet un accompagnement personnalisé.

Il ne faut pas faire tout « tout seul » mais plutôt créer des ponts avec les partenaires.

L’enthousiasme des débuts peut faire prendre de mauvaises décisions or il ne faut pas se substituer à la famille. Inscrire quelqu’un à une formation de boulanger parce qu’il y a des besoins locaux mais sans concertation avec la personne concernée peut être interprété comme une injonction d’intégration. Les arrivants doivent d’abord souffler, tourner la page et commencer à apprendre le français.

Les familles estiment que les cours de langue de l’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) arrivent trop tard, en moyenne 18 mois après la demande. Nous avons mis en place des cours de français « à visée d’intégration », avec nos bénévoles.

Si certains réfugiés n’ont pas eu accès à l’éducation en raison de leur appartenance ethnique ou religieuse, la majorité d’entre eux vit un déclassement social important. Certains étaient médecin, avocat, architecte, professeur à l’université… Les réfugiés ont les mêmes conseillers que les autres demandeurs d’emploi, souvent surchargés et pas forcément formés aux besoins des exilés. Dans le cas des professions réglementées, ils doivent passer des examens pour faire reconnaître leurs diplômes. En plus d’avoir tout perdu, ils peuvent parfois ressentir un sentiment d’oisiveté et d’inutilité. Nous les encourageons donc à devenir bénévoles à travers des actions de proximité ou encore l’aide à la traduction.

Pour l’entretien OFPRA, la présence d’un tiers permet de désamorcer les a priori, de mettre la personne au centre. Notre philosophie est de toujours respecter la volonté des personnes et leurs décisions.

On ne donne pas non plus d’argent aux accueillis parce que cela crée une situation de dépendance. Pas d’assistanat !

Nous avons aussi mis en place un système de parrainage entre des réfugiés et des bénévoles de l’Ordre de Malte France ou bien des familles étrangères déjà intégrées, pour des sorties culturelles, des repas, etc. Des liens d’amitié se créent !

 

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