Au Mans, un accueil nocturne pour femmes seules avec enfants
Lors de la rentrée pastorale, en septembre 2018, nous avons constaté que des familles avec enfants, et plus particulièrement des femmes seules avec enfants, n’étaient pas prises en charge par le 115 [numéro national d’hébergement d’urgence, ndlr], malgré leurs appels quotidiens. Après plusieurs interventions auprès du 115, de la DDCS (Direction Départementale de la Cohésion Sociale), nous avons dû nous rendre à l’évidence : aucune solution à court ou moyen terme ne se profilait à l’horizon. Les enfants dormaient dans la rue depuis une ou deux semaines, et cet état de fait allait se prolonger.
Je suis une femme, mère de famille et grand-mère de trois petits-enfants. Je suis aussi une chrétienne qui entend, lors des messes dominicales de ce mois de septembre 2018, des textes montrant Jésus guérir un sourd (Mc 7, 31-37), demander à chacun de nous : « Pour vous, qui suis-je ? » (Mc 8, 27-35) et surtout nous dire : « Quiconque accueille en mon nom un enfant comme celui-ci, c’est moi qu’il accueille. Et celui qui m’accueille, ce n’est pas moi qu’il accueille, mais Celui qui m’a envoyé » (Mc 9, 30-37). Au fond de moi, je sens « un décalage » entre ma foi et mon impuissance à aider ces femmes. Ma foi me pousse à agir et à poser des actes, et en même temps, ma responsabilité à la Pastorale des Migrants m’invite à ne pas prendre la place de l’Etat dans la prise en charge des migrants.
Avec le prêtre accompagnateur de la pastorale des migrants et le vicaire épiscopal à la solidarité, nous sommes d’accord : nous chrétiens, ne pouvons rester sourds et aveugles à la détresse de nos frères et sœurs. Divers contacts sont alors pris : 115 pour gérer les flux, DDCS pour accompagner ce projet, Croix-Rouge pour les lits… Pendant ce temps, le projet est validé par Mgr Le Saux, évêque du Mans. Un premier appel à bénévoles est fait : une petite dizaine de réponses positives sont répertoriées – pas assez, mais, intérieurement, je sens qu’il faut démarrer.
Accueillir les autres, surtout les plus faibles, c’est accueillir Dieu lui-même
Finalement, le 10 octobre 2018, ouvre l’accueil nocturne provisoire (en attendant le plan hivernal de la Préfecture) pour femmes seules avec enfants et issues de la migration. Ce sont 15 couchages proposés. Un accueil fraternel est prévu avec des bénévoles, de 19h à 21h, pour chauffer un bol de soupe ou de lait, partager des jeux avec les enfants, prendre le temps de discuter avec les mamans… A partir de 21h, une ou deux bénévoles (femmes) dorment sur place, pour assurer la sécurité la nuit. Dans une chambre à l’écart, Marc, résident de cette maison, s’est également engagé. Il assure une présence rassurante la nuit en cas de besoin, s’occupe du ménage et de l’entretien des locaux, fait le lien entre les différents bénévoles, le portier, etc. Le matin, des céréales et une boisson chaude (café, thé) sont servies avant de quitter les lieux, au plus tard à 9h. Un nouvel appel à bénévoles est fait, cette fois dans chacune des paroisses du centre-ville du Mans, là où est situé le local. En 10 jours, ce seront 35 bénévoles qui participeront à cet accueil. Nous fermerons le 29 novembre avec 45 bénévoles mobilisés !
Cet accueil nocturne a dépassé toutes mes espérances : par le nombre de bénévoles impliqués, par les liens fraternels partagés. Les bénévoles ont beaucoup donné mais ont également beaucoup reçu. En définitive, je crois que ces femmes avaient autant besoin de chaleur humaine que d’un abri nocturne. Ce projet n’est pas seulement celui de la Pastorale des Migrants, mais c’est le projet de notre diocèse, en faveur des plus pauvres, dont les migrants font partie. J’espère avoir pu semer une petite graine d’espérance ; il nous reste à la faire grandir.
Annie Bigot
Responsable de la Pastorale des Migrants du diocèse du Mans