8ème Forum Social Mondial des Migrations : la société civile ouvre les frontières
Le 8ème FSMM s’est tenu du 2 au 4 novembre 2018 à Mexico, dans un contexte politique particulièrement tendu : montée des populismes en Amérique latine, militarisation extrême de la frontière entre le Mexique et les USA, arrivée dans la capitale mexicaine de la tête de la caravane des migrants partie du Honduras, présence sur le forum de la caravane des mères de disparus, tant le phénomène des disparitions est général et frappe aussi les personnes migrantes.
La délégation du CCFD-Terre Solidaire était composée de salariés et de bénévoles de toutes les régions, d’une militante du collectif citoyen de Briançon et d’un étudiant de 20 ans qui a créé dans l’Aisne une association d’aide aux migrants. Nos partenaires africains s’étaient organisés en délégation continentale : Niger, Mali, Sénégal, Cameroun, Kenya, Afrique du Sud, Maroc. Les membres de la délégation française étaient nombreux (CCFD-Terre Solidaire, Secours catholique, CRID[1], FORIM[2]).
Le CCFD-Terre Solidaire a animé l’atelier « Frontières meurtrières-frontières solidaires ». Et, avec le FORIM Alliance société civile / autorités locales, des responsables qui mettent en place une politique d’accueil se sont exprimés – un élu de la « ville sanctuaire » de Sao Paulo (Brésil) [ville qui mène une politique de protection des migrants sans-papiers, ndlr]) et une élue de la région parisienne.
L’atelier « Frontières » a réuni une soixantaine de personnes venues de tous les continents : chacun a écrit sur un mur les violations des droits aux frontières tandis que toutes les actions de solidarité formaient un pont. Le croisement des points de vue, lors du débat et du « world café » sur les violations des droits des migrants dans les zones frontières, fut particulièrement enrichissant : la multiplication des murs est source de violence mais partout dans le monde, la société civile se mobilise et pose des actes de solidarité.
Des routes encore plus dangereuses
Le lendemain, notre atelier était complété par celui de nos partenaires africains sur l’externalisation des frontières et l’aide au développement qui est versée en contre-partie dans les pays du Sahel, en particulier au Niger. Notre partenaire a dénoncé la situation à Agadez : un centre d’accueil pour les migrants y a été construit, géré par l’OIM[3]. La fermeture de la frontière désorganise la vie économique et sociale des populations et oblige les migrants à prendre des routes encore plus dangereuses.
Dans ce contexte, le maire de Gao (Mali), partenaire du CCFD-Terre Solidaire, a refusé l’ouverture d’un tel centre sur le territoire de sa commune : bel exemple de résistance d’un élu à la politique d’externalisation des frontières de l’Europe en Afrique. Un ancien migrant vient en aide, à travers son association, aux exilés qui font étape à Gao, en particulier quand ils sont refoulés par l’Algérie.
L’actualité française nous a rattrapés le 4 novembre : le procès des « 7 de Briançon » allait se tenir à Gap le 8 novembre, jour de notre retour à Paris. A la demande de Stéphanie, du collectif citoyen de Briançon, membre de notre délégation, nous nous sommes réunis dans le hall du Centre culturel universitaire où se tenait le forum pour faire une vidéo de soutien et la poster sur les réseaux sociaux : la délégation française, nos partenaires africains, des Latino-américains, des Tunisiens. Le jour de la clôture du forum, la société civile du monde entier, depuis Mexico, a dit « oui » à l’accueil [4]et « non » à la criminalisation des citoyens solidaires des migrants[5] au nom de la mondialisation de la fraternité.
Claudine Lanoë, déléguée à la Pastorale des Migrants du diocèse de Cambrai, membre de la délégation du CCFD-Terre Solidaire au Forum Social Mondial des Migrations de Mexico 2018
[1] CRID : Centre de recherche et d’information pour le développement [2] FORIM : Forum des organisations de solidarité internationale issues des migrations [3] OIM : Organisation internationale pour les migrations [4] Voir La Croix des 15 et 16 décembre 2018, rubrique Débats : "Peut-on sauver l’hospitalité ?" [5] Le verdict du procès des « 7 de Briançon » est tombé : 2 sont condamnés à 12 mois de prison dont 4 fermes ; les 5 autres à 6 mois avec sursis. Tous ont fait appel du jugement.