Pape François : Accueillons « tous ces naufragés de l’histoire qui arrivent épuisés sur nos côtes »
Lors de l’audience générale du 8 janvier 2020, le pape François a poursuivi sa catéchèse sur les Actes des apôtres. Il a abordé le voyage de saint Paul pour Rome dont le naufrage en mer Méditerranée (Ac 27, 1-28, 16) est l’occasion d’annoncer l’Evangile au peuple de Malte. Le pape a conclu en demandant au Seigneur « de nous rendre sensibles à tous ces naufragés de l’histoire, qui arrivent épuisés sur nos côtes, afin que nous sachions nous aussi les accueillir ».
Chers frères et sœurs, bonjour !
La dernière partie du livre des Actes des apôtres raconte la poursuite du voyage de l’Évangile sur terre mais aussi sur mer. Un navire mène saint Paul, prisonnier de César, à Rome (cf. Ac 27, 1-28, 16), au cœur de l’empire, afin que se réalise la parole du Ressuscité : « vous serez alors mes témoins (…) jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Lisez le livre des Actes des apôtres et vous verrez comment l’Évangile, par la force de l’Esprit Saint, atteint tous les peuples, comment il devient universel. Prenez-le. Lisez-le.
La traversée se fait dès le début dans des conditions difficiles, et le voyage devient dangereux. Saint Paul conseille de ne pas le poursuivre, mais le centurion ne l’écoute pas et se fie au pilote et à l’armateur. Le voyage se poursuit, mais le vent devient si violent que l’équipage perd le contrôle et que le navire part à la dérive.
Quand la mort semble proche et que tous sont envahis par le désespoir, saint Paul intervient et rassure ses compagnons, en leur disant ce que nous venons d’entendre : « cette nuit (…) s’est présenté à moi un ange du Dieu à qui j’appartiens et à qui je rends un culte. Il m’a dit : “Sois sans crainte, Paul, il faut que tu te présentes devant l’empereur, et voici que, pour toi, Dieu fait grâce à tous ceux qui sont sur le bateau avec toi.” » (Ac 27, 23-24). Même dans l’épreuve, saint Paul ne cesse de se préoccuper de la vie des autres et de ranimer leur espérance.
Saint Luc nous montre ainsi que la destinée qui emmène Paul vers Rome permet de sauver non seulement l’Apôtre, mais aussi ses compagnons de voyage. Et le naufrage, de situation dramatique, se transforme providentiellement en opportunité d’annonce de l’Évangile.
Ils font naufrage sur les côtes de l’île de Malte, dont les habitants se montrent extrêmement accueillants. Les Maltais sont de bonnes personnes, douces, accueillantes, déjà à cette époque. Il pleut et il fait froid, et ils allument un feu pour donner un peu de chaleur et de réconfort aux naufragés. Là encore saint Paul, en vrai disciple du Christ, se met au service de tous en alimentant le feu de quelques branches. Faisant cela, il se fait mordre par une vipère, mais n’en éprouve aucun mal. Les gens voyant cela se disent : « en voilà un qui doit être un terrible malfaiteur, lui qui, à peine rescapé d’un naufrage, se fait mordre par une vipère ! ». Ils s’attendent à le voir tomber mort, mais il ne lui arrive rien, et de malfaiteur il devient à leurs yeux un dieu. En réalité, ce bienfait vient du Seigneur ressuscité qui vient à son secours, comme il l’a promis avant de monter au ciel à tous ceux qui croient : « ils prendront des serpents dans leurs mains et, s’ils boivent un poison mortel, il ne leur fera pas de mal ; ils imposeront les mains aux malades, et les malades s’en trouveront bien » (Mc 16, 18). L’histoire dit que, depuis ce jour, il n’y a plus de vipère à Malte : voilà la bénédiction accordée par Dieu pour le sens de l’accueil de ce peuple si bon.
Le séjour à Malte devient en effet pour Paul l’occasion de rendre concrète la parole qu’il annonce et d’exercer ainsi un ministère de compassion par la guérison des malades. C’est une loi que l’on trouve dans l’Évangile : quand un croyant fait l’expérience du salut, il ne la garde pas pour lui, mais en parle autour de lui. « Le bien tend toujours à se communiquer. Chaque expérience authentique de vérité et de beauté cherche par elle-même son expansion, et chaque personne qui vit une profonde libération acquiert une plus grande sensibilité devant les besoins des autres » (1). Un chrétien « éprouvé » peut à l’évidence se faire plus proche de celui qui souffre, car il sait ce qu’est la souffrance. Il peut avoir un cœur plus ouvert et disposé à la solidarité avec les autres.
Saint Paul nous apprend à traverser les épreuves en étant toujours plus proches du Christ, pour faire grandir « la conviction que Dieu peut agir en toutes circonstances, même au milieu des échecs apparents » et « la certitude que celui qui se donne et s’en remet à Dieu par amour sera certainement fécond » (2). L’amour est toujours fécond, l’amour porté à Dieu est toujours fécond, et si vous vous laissez prendre par le Seigneur et recevez ses dons, cela vous permettra de les donner aux autres. L’amour porté à Dieu va toujours plus loin.
Demandons aujourd’hui au Seigneur de nous aider à vivre chaque épreuve soutenus par l’énergie de la foi ; et de nous rendre sensibles à tous ces naufragés de l’histoire, qui arrivent épuisés sur nos côtes, afin que nous sachions nous aussi les accueillir de cet amour fraternel qui vient de la rencontre avec Jésus. C’est ce qui sauve de la froideur, de l’indifférence et de la déshumanisation.
Traduction française de Violaine Ricour-Dumas pour La Documentation Catholique.
(1) Pape François, Exhortation apostolique Evangelii gaudium, n. 9. (2) Ibid., n. 279.