Pauline Blain : « A JRS Jeunes, le coeur de notre action est la rencontre »

Pauline Blain , co-animatrice JRS Jeunes à Paris.

Pauline Blain , co-animatrice JRS Jeunes à Paris.

Au sein du Service Jésuite des Réfugiés (JRS France), Pauline Blain, ancienne animatrice du Mouvement Eucharistique des Jeunes (MEJ), est co-animatrice de « JRS Jeunes » depuis 3 ans. Lancé en 2014, aujourd’hui proposé à Paris et dans huit villes de région, ce programme est un « lieu ouvert, sans engagement, pour vivre quelque chose avec d’autres » où « chaque personne est une promesse de rencontre ».

Comment le programme « JRS Jeunes » est-il né ?

JRS France s’est lancé il y a un peu plus de 10 ans, autour de questions administratives. Puis le programme d’hospitalité « Welcome » a été développé : des demandeurs d’asile sont accueillis dans des familles, pour une durée limitée, accompagnés par un référent. Ils ont exprimé le souhait d’apprendre le français et de rencontrer des jeunes de leur âge. Lucile Froitier a structuré un nouveau programme avec deux objectifs : la rencontre sur un pied d’égalité, entre les personnes locales et exilées, et la valorisation des talents de chacun. Avec ces deux lignes directrices, se sont montées des activités.

En quoi consiste-t-il ?

Mon rôle à « JRS Jeunes » est de faire émerger les envies et de donner les moyens de mettre en place les activités. Les « animateurs » de l’une peuvent être simples « participants » d’une autre. On se base sur le talent de la personne, exilée comme locale. Ce programme change chaque mois. Une activité peut avoir lieu une seule fois, selon la disponibilité de l’animateur. La relation et la personne priment sur l’activité. Celle-ci est structurée par un temps d’accueil puis un temps d’échauffement pour le sport ou d’explications pour les autres. Après l’activité, on prend un goûter. Ce temps favorise les échanges informels. Parce qu’on a appris des choses ensemble, même si on ne se connaissait pas, on a maintenant de quoi échanger et on peut vraiment se rencontrer. Finalement, les activités sont un prétexte à la rencontre. Pour nous, s’il n’y a pas de rencontre à la fin d’une activité, c’est raté. Les activités rassemblent entre 4 et 30 personnes. Le théâtre et le foot sont les propositions phare. « Viens dîner à la maison » ne peut se vivre qu’en tout petit groupe, du moins à Paris, car l’idée est de manger ce qu’on a cuisiné ensemble. Toutes nos activités sont libres, gratuites et sans inscription. Cela permet à chacun de s’engager à sa mesure, selon sa disponibilité.

Quelle est la place de la fête ?

Se réjouir ensemble est très important ! Une fête thématique a lieu tous les mois, avec entre 100 et 120 personnes. Elle rassemble celles et ceux qui le souhaitent et fait le lien entre toutes les activités. On observe que certaines personnes participent à une seule activité quand d’autres essaient un petit peu tout. La fête permet à des personnes qui ne croiseraient pas sinon de se voir, dans la diversité de ce qui nous rapproche. Pendant le temps d’accueil, a lieu une activité brise-glace. L’animation est un moment où l’on s’expose et où l’on prend des responsabilités. Puis vient le repas, préparé par deux cuistots et cinq à dix petites mains. Suit enfin un temps informel, avec des échanges, toujours de la danse.

Comment les bénévoles sont-ils formés?

Le préalable est d’être déjà venu à une activité et d’y avoir participé, d’avoir été dans une attitude de recevoir quelque chose d’un autre. Il existe des temps de formation et de relecture – notre touche ignatienne ! Nous avons mis en place des outils (un petit guide), notamment autour de la co-construction, pour que les animateurs fonctionnent en binôme. C’est plus compliqué mais aussi beaucoup plus riche. On fait d’abord connaissance puis on creuse ce qui se cache derrière l’envie d’animer une activité : envie d’aider les autres, de partager ma passion ? On ne s’interdit pas non plus, quand on repère un talent, de solliciter l’un ou l’autre, exilé ou local. Chaque nouvelle activité doit faire l’objet d’une relecture par les animateurs pour être pérennisée.

Quels sont les temps forts du réseau ?

Pour l’antenne de Paris, nous sommes une vingtaine à partir quatre jours au vert en été : des exilés et des locaux qui y ont été participants ou animateurs, des nouveaux venus et des plus anciens. Le matin est consacré à la relecture personnelle puis à un temps de bilan (Sur quels critères juger ? Qu’est-ce qui a été chouette cette année ?) et de projection ensemble (Qu’est-ce qui manque ? Qu’est-ce qu’on creuse ou qu’on oublie ?) pour préparer l’année à venir. L’après-midi, les activités sont préparées par tous. Chacun alterne le rôle d’animateur et de participant. Le deuxième temps important pour la relecture de nos actions est un week-end national pour toutes les antennes JRS Jeunes de France. Il a lieu à Paris, avec des temps festifs mais aussi de formation, de relecture et de réflexion sur nos enjeux communs (la barrière de la langue dans une activité, par exemple) pour partager nos petits moyens ou en inventer.

Peut-on parler d’une pédagogie de la rencontre chez JRS ?

Le cœur de notre action est la rencontre. Dans tous les programmes de JRS, la rencontre est première. Nous sommes persuadés qu’elle transforme les regards et les relations. Sur toutes les personnes qui passent à JRS, nous portons un regard qui encourage l’autonomie et la liberté. Nous proposons des choses : libre à chacun de s’en emparer ou pas. On peut aussi orienter vers d’autres lieux. De cette autonomie peut naître la confiance. Je me souviens de quelqu’un de timide qui, six mois plus tard, a pris la parole à pour présenter quelque chose de son pays et animer une fête.

Quelle est la place de la spiritualité ?

L’association a été fondée par des Jésuites. La dimension spirituelle se traduit par une posture d’accueil de la personne, quelles que soient sa condition, sa religion ou son origine. Pas de prosélytisme ! C’est un lieu où chacun peut assumer son identité et ses convictions. Je dirais que la foi est vécue « à la française » : chacun lui donne la place qu’il souhaite. Ce n’est pas un sujet qu’on mettra en avant. Mais on ne peut ignorer que la foi existe au moment du Ramadan, par exemple, car certaines personnes ne viennent plus ou ne partagent pas le goûter. En septembre dernier, nous avons relancé les « Cercles de spiritualité ». Cette activité est préparée par deux personnes de religions différentes. Elles choisissent un thème ou un mot (le don, le pardon, l’amour…) et posent trois questions. Après les explications, le temps d’intériorisation peut se passer en musique, par exemple, puis viennent les échanges en groupe de 6 personnes, pour que la parole soit facile à prendre. Chacun partage (ou pas) à tour de rôle en disant « je ». Puis on souligne quelque chose de la parole de l’autre. Enfin, chacun dit ce qu’il retient et ce avec quoi il repart. Cette pédagogie permet une parole personnelle et évite le débat d’idées. Cette demande émane des exilés et de certains locaux, notamment non-croyants. Le « J » de JRS leur fait parfois un peu peur.

Un message à faire passer ?

JRS Jeunes est un lieu ouvert, sans engagement, pour vivre quelque chose avec d’autres. Nous sommes toujours heureux de rencontrer de nouvelles personnes. En France, le projet commence à vivre, avec des antennes à Angers, Clermont, Dijon, Limoges, Lyon, Marseille, Nantes, Paris et Valenciennes. Elles accueillent entre 20 et 100 participants. Si la rencontre sur un pied d’égalité, la réciprocité dans la relation et la valorisation des talents vous parlent, n’hésitez pas à nous contacter !

Propos recueillis par Claire Rocher (SNPMPI)

Cet article est la version longue des "3 questions à" du Courrier de la pastorale des migrants (n°140 - Mai 2020) intitulé "Jeunes migrants, porteurs d'une promesse".

JRS Jeunes en chiffres

En 2019 à Paris, 420 activités ont mobilisé 1270 participants dont 690 exilés et 580 locaux.

Ceux qui viennent 1 à 2 fois ne seront pas relancés.

Ceux qui viennent entre 1 et 5 fois sont souvent encore « sur la route » et peuvent être orientés vers d’autres villes de France.

Ceux qui viennent entre 3 à 6 mois (1 à 2 fois par semaine) peuvent être en demande d’asile, réfugiés ou déboutés.

D’autres encore, actifs depuis près 4 ans, ont obtenu le statut de réfugié mais restent attachés à la structure. Créé pour ces anciens, le « groupe Accueil », qui a pour mission d’accueillir les nouveaux et d’informer sur les objectifs du programme, intervient surtout lors des fêtes.

 

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