« Avec les Adivasi, migrants internes au Bengale » en Inde

Les adivasi sont les aborigènes de l’Inde. De religion traditionnelle animiste, beaucoup se sont convertis à la foi catholique. Au Bengale, leur statut reste celui de « hors caste ».

Les adivasi sont les aborigènes de l’Inde. De religion traditionnelle animiste, beaucoup se sont convertis à la foi catholique. Au Bengale, en Inde, leur statut reste celui de «hors caste».

L’association Howrah South Point (HSP) a été fondée en 1976, au Bengale Occidental, pour l’insertion des enfants handicapés, l’éducation des enfants défavorisés et les soins aux plus démunis. Elle pilote neuf foyers pour enfants handicapés et/ou défavorisés, dix écoles dont plusieurs écoles spéciales, un centre de soin, quatre dispensaires mobiles, et plusieurs programmes comme le soutien aux mamans dans les bidonvilles. Si elle n’est pas explicitement au service des migrants, c’est souvent que nous croisons leur route, et en particulier celle des Adivasi car ils sont sans ressources et socialement discriminés. Les Adivasi sont les aborigènes de l’Inde. De religion traditionnelle animiste, beaucoup se sont convertis à la foi catholique. Originaires des régions montagneuses de l’intérieur, divisés en de nombreuses tribus, ils émigrent pour trouver du travail. Ils sont honnêtes, travailleurs et courageux, ce qui les aide à gravir l’échelle sociale. S’ils ont pu trouver au Bengale une population tolérante, leur statut reste celui de « hors caste ».

Arrivé ici il y a une vingtaine de mois seulement, je suis encore dans une phase de découverte de l’Inde. J’ai pris la suite du père François Laborde, fondateur de l’association. Ce que je vous partage ici est pour l’essentiel l’héritage direct de tout ce qui a été accompli à HSP. Mon travail consiste à maintenir vivant cet esprit de service aux plus pauvres et à favoriser le bon fonctionnement de l’association.

Des kits d’urgence pendant le confinement

Notre expérience et notre travail avec les migrants se décline sur plusieurs axes. Il y a tout d’abord un axe éducatif. Je prendrai pour exemple notre école, Bisco Brickfield. Le long de la rivière Hooghly (le nom local du Gange), de longues cheminées en briques signalent la présence de briqueteries qui emploient six mois de l’année des migrants, souvent adivasi. Dans la briqueterie Bisco, les travailleurs, hommes et femmes, viennent du Bihar et du Jharkhand habiter temporairement avec leurs enfants. Pendant leur travail, les aînés gardent les plus petits. Les fabriques ne sont opérationnelles que pendant la saison sèche. Ils repartent donc vers le mois de mai lorsque la mousson arrive, ce qui empêche les enfants de suivre une scolarité normale. Avec l’aide de la direction qui met à notre disposition un espace – assez rudimentaire – nous avons établi une crèche et une école spéciale sur place. Il s’agit de donner aux enfants des notions de Hindi.

Un deuxième axe concerne l’aide d’urgence. A cause du confinement en Inde et de ses conséquences économiques dramatiques, nous avons mis en place, à partir de fin mars, un système d’aide alimentaire d’urgence. Avec l’aide des responsables disponibles pendant le confinement, nous avons mis en place des enquêtes pour identifier les familles ayant les plus grands besoins. Cet énorme travail s’est souvent déroulé sur le terrain pour évaluer au mieux les conditions de vie, l’aide gouvernementale déjà reçue à travers le système de Ration Card (carte de rationnement). Nous avons préparé des kits alimentaires contenant riz, lentilles, pommes de terre, huile, pépites de soja, déjà distribués à près de mille familles. Nos bénéficiaires sont en majorité des populations de migrants, qui résident dans les bidonvilles : à Coal Depot, Moukhali, Lalkuthi, ou dans des habitations le long de la voie ferrée, comme Andul Station. Nous avons également aidé les migrants de la briqueterie Bisco.

Accueillie enfant, aujourd’hui responsable d’un foyer

Cintamoni, la jeune responsable du centre où j’habite, est emblématique de deux autres axes. Il y a d’abord l’aide directe par un travail et un salaire au sein d’HSP, qui lui a permis d’améliorer ses conditions de vie. A HSP, les adivasi ont pu représenter jusqu’à 20% du personnel, soit environ 70 personnes. Dans le centre d’Ekprantanagar, la majorité des sept soignants de nos deux foyers de garçons et filles sont adivasi et chrétiens, originaires des états du Jharkhand et du Chhattisgarh. La responsable est elle-même une adivasi de la tribu Oraon. Ses parents ont fini par se fixer au Bengale, mais rentrent tous les deux ans au Jharkhand, d’où ils sont originaires. Le deuxième axe est l’aide aux enfants. Les foyers ont été conçus à l’origine notamment pour permettre aux enfants adivasi de langue maternelle Oraon, Santal, Gond ou autre, de pouvoir lire et écrire correctement en Bengali ou en Hindi. Notre responsable a elle-même été accueillie autrefois dans ce foyer qu’elle dirige aujourd’hui. Elle a également effectué toute sa scolarité dans nos écoles. Elle a ensuite réussi à faire des études supérieures et à décrocher un diplôme de Hindi, avant de revenir travailler pour HSP.

Enfin un dernier axe, plus personnel, est l’axe pastoral. Ce temps de confinement, annoncé de manière impromptue, a empêché les migrants de rentrer dans leurs familles. Ainsi sur les neuf soignants au foyer, seuls deux ont pu rentrer chez eux. Avec ceux qui sont restés, presque tous catholiques, nous avons ainsi eu l’occasion d’apprendre à mieux nous connaître, de discuter malgré mon bengali rudimentaire, de célébrer l’eucharistie en petite communauté, d’échanger et de partager sur notre foi, ce que ne permet pas, en temps normal, le travail auprès de la soixantaine d’enfants du foyer.

Fr. Laurent Bissara, mep

Ce témoignage est extrait du dossier d'animation pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2020.

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