« La fraternité grandit par le partage » entre les diocèses de Limoges et Ouahigouya (Burkina Faso)

Au 19 août 2019, on comptait environ 270.000 personnes déplacées internes au Burkina Faso et environ 25 % de ces déplacés se trouvent dans le diocèse de Ouahigouya.

Au 19 août 2019, on comptait environ 270.000 personnes déplacées internes au Burkina Faso et environ 25 % de ces déplacés se trouvent dans le diocèse de Ouahigouya.

Le diocèse de Ouahigouya au Burkina Faso, dans la province du Yatenga, proche du Sahel et du Mali, est jumelé avec le diocèse de Limoges depuis 1965. De nombreux contacts ont lieu entre les diocèses et les paroisses jumelles pour des partages spirituels, économiques et culturels.

L’appel de Mgr Justin Kientega, évêque de Ouahigouya

Le Burkina Faso est victime d’attaques de groupes armés, à connotation djihadiste. Face à ces attentats, beaucoup de familles fuient les villages où les terroristes ont opéré ou menacent d’opérer à nouveau. Devant l’arrivée massive de déplacés internes, Mgr Justin Kientega, évêque de Ouahigouya, a lancé un appel à l’aide :

« En 2019, les terroristes ont adopté un mode opératoire qui vise à mettre en conflit les différentes communautés ethniques et religieuses entre elles. Ainsi donc, dans la région du nord, les incidents de Yirgou, l’enlèvement de l’Abbé Joël Yougbare, curé de Djibo, l’attaque de l’église de Dablo avec six morts dont l’Abbé Siméon Yampa et d’une église protestante à Silgadji visent à semer le trouble entre les différentes communautés. Et comme il fallait s’y attendre, ces incidents ont atteint le diocèse de Ouahigouya.

Dans ce diocèse, les communautés chrétiennes de Singa et de Toulfè ont été victimes d’attaques barbares qui ont fait huit morts, dont deux catéchistes (…) Ces actions ont provoqué des déplacements importants de populations fuyant les villages où opèrent les groupes terroristes, pour se réfugier dans les centres urbains plus importants.

Au 19 août 2019, on comptait environ 270.000 personnes déplacées internes au Burkina Faso1 et environ 25 % de ces déplacés se trouvent dans le diocèse de Ouahigouya (…).

Les déplacés ont besoin urgemment d’assistance en matière d’abri, de kit de survie et d’appui alimentaire à moyen et long terme. Il est également à prévoir une solution pour que les nombreux enfants puissent continuer l’école. Car c’est justement l’obscurantisme qui est le lit du terrorisme (…).

Nous en appelons donc aux organisations humanitaires, à nos partenaires, à nos amis et à toute personne de bonne volonté, pour qu’ils viennent en aide, de quelque manière que ce soit, pour soulager la souffrance des populations en errance.

Nous continuons de prier pour que la paix revienne dans notre pays. Nous comptons également sur vos prières. »

La réponse de Mgr Pierre-Antoine BOZO, évêque de Limoges

Notre évêque a relayé cet appel en adressant le message suivant :

« Le jumelage avec le diocèse de Ouahigouya est une belle réalité qui marque notre diocèse depuis plus de 50 ans. (…) Vous savez que le Burkina Faso traverse une période de grande épreuve, liée au développement d’un islam radical et violent, qui exacerbe des tensions ethniques. Le diocèse de Ouahigouya compte dix-sept victimes d’attentats et doit affronter l’accueil de dizaines de milliers de réfugiés qui fuient des villages menacés. (…) Le diocèse pourvoit à l’accueil et à l’aide de ces réfugiés. (…) Il me semble qu’il est de notre responsabilité de faire également un geste financier pour aider à l’achat de vivres pour les réfugiés (…) et venir en aide à cette Église sœur qui souffre. »

Cet appel a été lu dans toutes les paroisses du diocèse de Limoges, en décembre 2019, et relayé par des articles dans le mensuel Le Sillon, revue diocésaine diffusée à environ 10.000 exemplaires dans le diocèse, et par des émissions sur RCF Email Limousin.

« Nous faisons partie d’une même famille »

Etudiant burkinabé à Limoges, Evariste était au pays entre décembre 2019 et janvier 2020. « Après être allé chez mes parents à Ouahigouya, écrit-il, je suis revenu vers Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, en passant par Tikaré, Kongoussi et Sabcè, villes où il y avait beaucoup de personnes déplacées. Personnellement, je n’ai pas visité de camp de réfugiés, mais je sentais bien que la situation était tendue et que les personnes vivaient dans la précarité. Vers Ouagadougou, il y avait plusieurs sites importants de déplacés internes venant de la province du Sahel et de l’Est, près du Niger. La situation était alarmante, avec des personnes très démunies, pas ou peu de nourriture, de vêtements parfois ».

Raoul, prêtre-étudiant à Limoges, originaire de Bam (Est du diocèse), dont un oncle a été tué lors d’une attaque, ajoute : « Il existe une grande solidarité de la part des villes qui accueillent les déplacés, en mettant en place spontanément des cuisines collectives et en servant des repas. Le rôle des paroisses est déterminant parce que, en ouvrant leurs portes, elles mettent à disposition des salles importantes, que les communes n’ont pas toujours. Elles offrent une aide de première urgence en attendant les moyens promis par le gouvernement et l’aide internationale ».

Dans le diocèse de Limoges, plusieurs veillées de prière ont été réalisés sous l’égide du comité de Jumelage diocésain, mais aussi, à l’initiative des paroisses qui ont un lien particulier avec leurs paroisses jumelles. La collecte financière a été confiée par Mgr Bozo à Mil’Ami, association qui œuvre déjà, dans le cadre du jumelage diocésain, pour soutenir des actions dans les domaines de la santé, de l’éducation et de la culture. Cette collecte a permis de verser la somme de 35.000 € au diocèse de Ouahigouya, pour l’achat de céréales.

« Les dons faits par les chrétiens du diocèse de Limoges sont très importants, relit Raoul, parce qu’ils soutiennent fortement l’effort des paroisses et des communes. Ils concrétisent l’aide spirituelle qui est apportée par les temps de prières et les intentions lors des messes dominicales et ils montrent la fraternité qui existe entre nos diocèses. Cette fraternité grandit par le partage, la prière et la joie de se rencontrer, même si les visites au Burkina Faso ne sont pas possibles actuellement (…). La chaîne de prière qui continue, bien au-delà de la collecte financière et du soutien matériel, met du baume au cœur. Nous sentons que nous faisons partie d’une même famille, au-delà des distances, unis dans notre foi. »

Les fruits de ce partage, pour les diocésains de Limoges, sont à trouver dans le lien spirituel et l’attention portée à la situation au Burkina Faso et dans les pays sahéliens en général, autant que dans l’aide apportée, qui s’est ajoutée à celle des autres organismes associés au développement et à l’aide alimentaire et sanitaire du Burkina Faso.

Marie-Françoise et Hervé Magne

Délégués diocésains à la Pastorale des Migrants de Limoges

1 Au 31 mai 2020, l'UNHCR comptabilise 921.471 déplacés internes au Burkina Faso.
Ce témoignage est extrait du dossier d'animation pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2020.

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