« Cet engagement d’accueil implique l’avenir d’une famille » syrienne en France
Bilal, syrien, a seize ans quand son grand frère est tué et son père grièvement blessé par les soldats de Bachar Al-Assad : il fuit au Liban. Sur quatre jeunes hommes à passer la frontière, trois sont repris pour être enrôlés dans l’armée mais Bilal passe… Au Liban, il rencontre Hiba dont il tombe amoureux. A dix-huit ans, ils se marient et la jolie petite Kadar arrive un an plus tard, rapidement suivie par son petit frère Walid. En mai 2018, grâce à la FEP (Fédération d’Entraide Protestante), la famille arrive en France où elle est accueillie par un collectif oecuménique du Val d’Oise, le PPF (Projet Pastoral de Fraternité), qui réunit trois paroisses – deux catholiques et une protestante.
S’approcher pour Servir
Pourquoi cet engagement d’accueil ? La dynamique est partie d‘un paroissien catholique, de l’amitié et la complicité unissant le Pasteur et le Curé de l’époque. Les uns, pour répondre à l’appel du pape François, les autres, habités par la tradition de l’accueil, convaincus par la Fédération d’Entraide Protestante et pour vivre « le bras horizontal de la Croix, la main tendue vers l’autre » nous dit le Pasteur.
Douze personnes forment le noyau dur du collectif. Autour d’elles, gravitent de nombreux bénévoles toujours présents en cas de besoin. Travailler ensemble, affronter les mille et une tracasseries administratives mais aussi être témoins des succès, goûter la joie de voir la famille s’épanouir, les enfants grandir, la maman reprendre des forces, les entendre parler français, a apporté à tous, sur le plan humain, une immense richesse. Des amitiés profondes se sont créées, « grâce, aussi, aux qualités humaines de Bilal et Hiba », nous dit Arlette Sancery, présidente du collectif.
Pour nos amis, l’arrivée fut difficile : ni famille ni amis, un nouveau cadre et surtout une nouvelle langue qui les rend totalement dépendants du traducteur téléphonique.
Connaître pour Comprendre
Il existe des moments d’incompréhension, nous dit Arlette. Le livret d’accueil de la FEP a beaucoup aidé le collectif pour les démarches. Pourtant, un grand moment d’incompréhension est arrivé lorsqu’après sept mois sans revenu autre que le soutien du collectif, les arriérés du RSA sont arrivés. Grisés par la somme, des dépenses importantes furent engagées par la famille et tout a fondu. Une partie du collectif s‘est réunie avec la famille pour reprendre la notion de budget familial. Hiba explique qu’il a fallu apprendre la valeur de l’argent, la valeur de l’euro en France étant très différente au Liban.
Hiba et Arlette ont lu Le Coran une ou deux fois ensemble au sujet de la pudeur mais leur lecture ne les a pas mises d’accord sur la nécessité de se couvrir entièrement et de porter le voile…
Partager pour Grandir
L’apprentissage du français est, dans ces circonstances, la meilleure façon de partager pour grandir. Bilal et Hiba sont vifs et jeunes. Bilal recherche sans cesse à communiquer, à comprendre.
Il nous dit : « Pour apprendre, en premier, il faut la volonté et il faut pratiquer ».
Cette famille veut s’intégrer et le collectif leur en donne les moyens. A leur arrivée, ils reçoivent des cours particuliers de français par des bénévoles puis des cours collectifs, trois demi-journées par semaine, puis cours intensifs, quatre jours par semaine pendant trois mois. Grâce à la venue d’une nounou pour garder les enfants, Hiba, comme Bilal, a pu bénéficier de ces cours intensifs de français et d’une initiation professionnelle par la Mission locale. Le collectif souligne l’aide importante apportée par la Conférence St-Vincent-de-Paul et le CPCV d’Enghein (Centre Pédagogique pour Construire une Vie active).
Impliquer pour Promouvoir
Le collectif a toujours accompagné la famille dans l’apprentissage du français et dans la recherche d’un travail.
Bilal, roi du contact et du culot, a trouvé seul son emploi, d’abord en CDD, maintenant en CDI. Il a été étonné par le nombre de papiers à signer. En effet, en Syrie, un contrat oral est fiable. Grâce à une volonté indestructible, il a eu son code et devait passer son permis le 23 mars.
Hiba, par la Mission locale, fait un stage rémunéré de remise à niveau en maths, français, instruction civique, anglais, CV, entraînement aux entretiens, malheureusement interrompu par le confinement imposé par la pandémie de Covid-19. Elle est ravie et a pu continuer en télétravail.
Lors d’autres stages préprofessionnels, non rémunérés, quelques mois après leur arrivée, Hiba a été rassurée car on lui a dit qu’elle pourrait mettre un bandeau sur ses cheveux.
Collaborer pour Construire
Pour le collectif, il faut : être au minimum une dizaine aux compétences et goûts complémentaires ; que le contrat soit d’une durée limitée (un an prolongeable de six mois) ; avoir suffisament de moyens financiers.
Pour Bilal et Hiba, le collectif les a aidés à grandir, à se repérer, à avoir confiance en eux dans un autre monde. Hiba conseille aux femmes arrivant de ne pas être trop strictes, d’accepter d’être plus ouvertes, de travailler et d’aller vers les autres. Et Bilal de conclure : « La vie est belle si on la prend du bon côté ! »
Cet engagement implique une très grosse responsabilité : l’avenir d’une famille, source d’incroyables bonheurs.
Sophie de Croutte
Membre de la plateforme « réfugiés » de la Fédération de l’Entraide protestante
Ce témoignage est extrait du dossier d'animation pour la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2020.