A Notre-Dame La Riche, les jeunes aux périphéries
Sous l’impulsion de Robin Durieux, adjoint de direction « Pastorale & Solidarité » à Notre-Dame La Riche (Tours), les lycéens volontaires participent à des voyages humanitaires (Lampedusa, Grande-Synthe), s’engagent dans des actions locales en faveur des migrants et lancent un projet de développement international (Togo).
Un certain regard sur l’école catholique
Fils de Pieds-noirs installés à Marseille, Robin Durieux, 58 ans, a d’abord été éducateur spécialisé dans les cités de sa ville, avant d’entrer dans l’Enseignement catholique et d’adhérer au projet éducatif de l’établissement tourangeau. Les questions de mixité sociale l’ont toujours habité.
« Je crois beaucoup à l’Enseignement catholique. Pour moi, son projet est d’offrir à la société un service de développement intégrale de la personne, avec une dimension spirituelle, même pour ceux qui ne sont pas croyants ». Et de comparer l’école catholique aux institutions de santé de l’Eglise : on y soigne tout le monde sans distinction d’appartenance religieuse et on ne demande pas aux patients à se convertir ! Pendant le confinement du printemps 2020, imposé par la pandémie de Covid-19, son souci était de s’adresser à tous les jeunes de l’établissement : les baptisés mais pas que. « L’objectif d’une pastorale est universel. Elle n’est pas réservée aux paroissiens ». Ils ont donc tous reçu une réflexion sur le care. Et les jeunes catéchisés, un texte sur la Semaine sainte en prime !
Avec pour idéal une pastorale ouverte à tous, via notamment des actions de solidarité, Notre-Dame La Riche se démarque depuis longtemps par « une tradition d’ouverture sociale », quand d’autres établissements scolaires catholiques cultiveraient davantage l’entre-soi. « La population est très mélangée. Nous avons un lycée professionnel, un collège qui accueille des élèves issus des milieux populaires. « Notre pari est de permettre aux très bons élèves de suivre un parcours d’excellence, tout en côtoyant des jeunes qui ne vont pas à la même vitesse mais qu’on va accompagner pour qu’ils donnent le meilleur d’eux-mêmes ».
Lampedusa, un voyage fondateur
Quand, pour son premier voyage hors de Rome, le pape François se rend, le 8 juillet 2013, sur l’île italienne de Lampedusa – porte d’entrée vers l’Europe pour de nombreux migrants – Robin Durieux s’attend à une prise de conscience parmi les catholiques. Il déchante : « Je suis enthousiaste parce que le Pape a fait fort ! Mais fondamentalement rien ne se passe ».
Avec le soutien de Benoît Visse, Directeur de Notre-Dame la Riche, il cherche alors à mobiliser les jeunes autour d’un projet très symbolique : aller à Lampedusa dialoguer avec les acteurs locaux – paroisse, mairie, associations et ONGs. La quinzaine de Terminales ne rencontrera pas de migrants mais « des gens qui vivent de façon prophétique ». Les Français ont pris la mesure de « la tragédie humaine vécue par toutes ces personnes obligées de migrer ». « Depuis ce voyage, je suis sans repos, relit-il pour sa part. J’ai eu l’impression que les pays européens avaient abandonné Lampedusa et l’Italie. Le protocole de Dublin est un scandale absolu ».
A leur retour, les scolaires ont été invités à témoigner à la Conférence des évêques de France, au Parlement Européen… « 120 interventions en six mois dans des écoles, des associations… mais peu en Indre-et-Loire » se souvient-il. Le dicton ne dit-il pas : « Nul n’est prophète en son pays » ?
A Grande-Synthe, associer foi et citoyenneté
Avec les Secondes, Robin monte un « Atelier solidarité » pour « ouvrir les jeunes au monde, leur montrer que la solidarité est possible », et même peut-être « questionner les choix politiques » français. « J’ai compris qu’on retrouvait à Calais les mêmes énergies et clivages qu’à Lampedusa, avec des gens très ouverts et d’autres très hostiles ».
Calais s’avère être une destination trop dangereuse pour des mineurs. Ce sera donc Grande-Synthe. Damien Carême, le maire de l’époque aujourd’hui eurodéputé, y mène une politique volontariste d’accueil, avec la construction du camp humanitaire de La Linière, en mars 2016, selon les normes internationales du Haut-Commissariat aux réfugiés de l’ONU (HCR). « Dans ce camp ont trouvé refuge des guerriers kurdes qui avaient combattu Daech » rappelle Robin.
Avec pour mots d’ordre « rencontre et service », les jeunes aident les migrants en se mettant à disposition des bénévoles et des associations qui les accompagnent. Avec enthousiasme et énergie, ils assurent des missions de vestiaire, de distribution alimentaire, animations pour les enfants. Si tous ont suivi la formation préparatoire, quelques-uns ont préféré de pas faire le déplacement.
Bientôt un projet de développement au Togo
Robin Durieux a déjà trois voyages à son actif au Togo, petite bande de terre de l’Afrique de l’Ouest, ouverte sur le Golfe de Guinée. Pour comprendre le développement et agir sur les causes des migrations, il s’appuie sur un partenaire local qui gère un centre d’hébergement. Au programme ? Rencontre interculturelle entre lycéens français et togolais, réflexion commune sur la question écologique et prise de contacts avec des associations pour, à terme, choisir le chantier dans lequel les Tourangeaux s’investiront.
Pour Notre-Dame La Riche, il a donc conçu un parcours solidarité « complet » : un atelier pour former les Secondes et des actions auprès de personnes en grande difficulté à Tours, un projet à dimension nationale pour les Premières et bientôt du développement international pour les Terminales. Depuis trois ans, une quarantaine de participants se mobilise. « 70 jeunes auraient voulu venir et 250 pensent que ce que nous faisons est très bien » complète-t-il.
Plusieurs enseignants ont aussi pris part aux voyages. Intéressés par ce projet d’établissement et les ponts possibles entre engagement et citoyenneté, foi et culture, de nouveaux candidats postulent régulièrement pour venir enseigner à Notre-Dame La Riche.
Au sein du réseau qui promeut l’engagement solidaire dans l’Enseignement catholique, Robin Durieux contribue à la rédaction de fiches, dans le but de favoriser les initiatives de solidarité internationale. Déjà plusieurs fois récompensée, l’audace missionnaire de ses élèves sera à nouveau primée lors de la prochaine remise des « Trophées IniSia », le 19 novembre 2020 à Paris.
Claire Rocher (SNPMPI)
Cet article est le bonus en ligne du Courrier de la pastorale des migrants (n°140 - Mai 2020).
Porteurs d’une promesse d’ouverture au monde et à l’humanité
« Ces jeunes qui ont marché jusqu’à nous1 viennent nous redire le rêve que représentent la démocratie, la paix, manger à sa faim tous les jours… » La promesse qu’ils portent est celle d’une ouverture « au monde et à l’humanité », car la rencontre transforme aussi le regard sur les médias et l’actualité. Ils permettent aux lycéens de passer des images du petit écran à une expérience.
« Quand les lycéens rentrent à Tours, ils ne sont plus pareils : ils ne se plaignent plus. Ils ont vu ce à quoi sont confrontés des jeunes de leur âge, ou à pleine plus âgés, mais qui gardent le sourire. Les seules fois où l’on pleure, c’est quand on se quitte » témoigne Robin Durieux.
1 « J’ai marché jusqu’à vous – Récits d’une jeunesse exilée » (2016), documentaire de Rachid Oujdi.