Après les drames à répétition en Méditerranée: il faut agir!
Dans la nuit du 18 au 19 avril 2015, le naufrage d’un chalutier au large de la Libye a fait plus de 700 morts. Seules 28 personnes ont pu être secourues vivantes. Cet événement est survenu seulement une semaine après un autre naufrage qui avait déjà causé la mort de 400 migrants. Ces nouveaux drames portent le nombre de morts à plus de 1600 pour les quatre premiers mois de 2015.
Le pape François a exprimé, dimanche, sa «plus grande douleur face à une telle tragédie». «Mes prières vont aux disparus et à leurs familles. Je lance un vibrant appel à la communauté internationale, pour qu’elle agisse avec décision et diligence, afin que de telles tragédies ne puissent plus se reproduire», a notamment déclaré le Pape, le visage grave et ému, avant d’ajouter : «ce sont des hommes et des femmes comme nous. Des frères, qui cherchaient une vie meilleure… Affamés, persécutés, blessés, exploités, victimes de guerres. Ils cherchaient une vie meilleure, ils cherchaient le bonheur ». « Il est évident que l’ampleur de ce phénomène requiert une plus grande implication. Nous ne devons pas nous lasser dans nos tentatives de solliciter une réponse plus globale au niveau européen et international », a ajouté le Pape.
Le Cardinal Reinhard Marx, président de la commission des épiscopats de l’Union européenne (Comece), a interpellé une fois de plus l’Union Européenne : la tragédie « interroge également dans quelle mesure l’Union européenne prend au sérieux les valeurs, souvent évoquées, sur lesquelles elle se fonde. Cette nouvelle catastrophe en Méditerranée constitue un échec pour tout ce qui fait de l’Union européenne une communauté de valeurs ». « Si l’Union Européenne [décidait] de faire honneur à ses valeurs, alors elle ne [pourrait] que réinstaurer les instruments de “Mare Nostrum” et élargir la mission “Triton” sur la protection des frontières extérieures de l’UE. Le sauvetage de vies humaines en Méditerranée ne peut rester un simple enjeu politique. Il s’agit d’un véritable devoir humain et d’une exigence de l’aspiration morale de l’Europe ».
A la veille du sommet extraordinaire des chefs d’État et de gouvernement sur le thème des migrations, prévu à Bruxelles pour ce jeudi, le Cardinal a publié une déclaration écrite au nom des évêques européens. « Bien qu’il faudra revoir les chiffres à la hausse- écrit le cardinal- il semble que plus de 1000 migrants sont morts en Méditerranée ces 10 derniers jours. L’Union européenne ne peut rester inerte face à cette catastrophe humaine. Dans les faits, on pourrait blâmer le pouvoir d’attraction de l’Union européenne pour les réfugiés, les mesures européennes dont tirent avantage les trafiquants ou encore le manque d’actions pour contraster les causes qui portent les immigrés à fuir leur pays d’origine. Mais tout cela ne justifie pas le fait que l’on ferme les yeux devant la tragédie humaine qui est en cours en Méditerranée et qui doit être affrontée par l’Union européenne ».
En France, Mgr Georges Pontier, archevêque de Marseille et président de la Conférence des évêques de France, a appelé « à un sursaut de la communauté internationale pour mettre un terme au plus vite à cet enchaînement de souffrances qui commence par les raisons de la fuite de ces personnes migrantes et qui continue par les conditions atroces qui leurs sont imposées durant leur périple. Nous ne pouvons continuer à fermer les yeux sur ces atrocités vécues par ces hommes, ces femmes et ces enfants qui, à la recherche de la liberté et de la paix, vivent ces parcours d’esclavage et de mort. »
L’Union européenne a admis lundi qu’elle devait enfin prendre à bras le corps la question des migrants en Méditerranée. « Nous n’avons plus d’alibi », a lancé la chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, avant une réunion conjointe des ministres des Affaires étrangères et de l’Intérieur de l’UE. « Les tragédies de ces derniers jours, de ces derniers mois, de ces dernières années, c’en est trop », a-t-elle martelé.
Dans une approche plus globale de l’accueil et l’asile en Europe, P. Lorenzo Prencipe, cs, directeur du Service National de la Pastorale des Migrants et des Personnes Itinérantes, dénonce un débat « presque exclusivement émotionnel. La plupart du temps, ce débat est noyauté par un discours négatif qui tend à justifier le rejet des migrants et des réfugiés et à légitimer la marginalité et l’exclusion sociale de ceux et celles qui, arrivés parmi nous, recherchent une protection internationale et demandent une vie digne. » Malgré une «réalité objectivement meurtrière, constamment remise en lumière par les naufrages à répétition, une fois passé le temps de l’émotion, les déclarations médiatiques s’alimentent presque exclusivement de lieux communs ressassés, de stéréotypes pourris et de raccourcis qui ne mènent nulle part. » «Il est temps de mettre en œuvre à l’échelle européenne de nouvelles politiques d’asile et d’immigration, adaptées aux conditions socio-économiques et respectueuses de la dignité des personnes migrantes et réfugiées. » « Pour l’Union européenne il est temps d’agir de concert et de mettre en place une politique migratoire considérant l’intégration comme un processus réciproque dans lequel migrants et société d’accueil jouent un rôle actif et contribuent à l’émergence d’une société intégrante et accueillante. »
Après cet énième drame en Méditerranée, il faut agir ! « La politique en Europe, écrit le Cardinal Marx, a souvent déploré la mort des réfugiés sans pourtant en tirer de conséquences. La catastrophe actuelle pousse aujourd’hui les pays européens à prendre des mesures drastiques pour combattre ce phénomène tragique.
Déclaration du Cardinal Marx sur le site de la COMECE
Déclaration de Mgr Pontier sur le site des évêques de France
Réflexions du P. Lorenzo Prencipe
Déclaration de Caritas Europe (en anglais)
Communiqué de la Commission des Églises auprès des migrants en Europe (CEME), la Conférence des Églises européennes (KEK) et le Conseil œcuménique des Églises (COE)
Appel de l’UNHCR du 23 avril 2015