L’exode des migrants vers la zone des Dunes à Calais

Le centre Jules Ferry, prévu comme accueil de jour pour des migrants à Calais, est mis en service progressivement. Installé sur une ancienne base de loisirs à plusieurs kilomètres du centre-ville de Calais, à proximité du port, ce centre devra être opérationnel pour le 10 avril. Depuis mi-janvier, des repas sont distribués; depuis fin mars, des femmes et des enfants migrants se sont installés (l’accueil de nuit leur est réservé). D’autres services seront mis en place dans les jours qui viennent : l’accès à l’eau (eau potable, douches, toilettes), l’accès aux soins avec une permanence infirmière, une permanence juridique et sociale, un vestiaire, la possibilité de recharger des portables, etc.

Une grande friche à proximité du centre est prévue pour les migrants – elle sera désormais le seul lieu où seront tolérés les migrants. Avec la fin de la trêve hivernale le 1er avril, tous les autres squats sont menacés d’expulsion. La plupart des migrants devancent l’arrivée des CRS et se rendent vers cette friche.  Un impressionnant « exode », selon les termes de Christian Salomé, président de l’association L’Auberge des migrants.

Pour certains, ces installations sont une nouvelle étape dans la ségrégation, pour d’autres, le début d’une solution…

Les associations présentes sur place dénoncent la situation catastrophique du terrain situé zone des Dunes et demandent un minimum d’aménagement du terrain. « Nous avons demandé plusieurs fois que ce terrain où vont être regroupés les migrants soit aménagé a minima, avec une mise à l’abri (des tentes par exemple), des sanitaires, un accès à l’eau potable. Les autorités nous répondent qu’à Jules Ferry, il y a de l’eau et des sanitaires. Or, le terrain est à un kilomètre et il n’est ouvert que de midi à 18 heures », dénonce Vincent de Coninck, délégué du Secours Catholique d’Arras. « L’État a investi quelque 4 millions d’euros dans la plateforme de services Jules Ferry. Nous demandions juste 150 000 euros pour placer de l’eau courante, des toilettes et tracer quatre chemins. Nous n’avons obtenu qu’un bout de chemin et deux bennes à déchets. »

Puis le regroupement de tous les migrants sur un même lieu sera sources de tensions, avec le risque d’affrontements violents entre groupes de différentes communautés. Différentes associations demandent l’ouverture d’une autre mise à l’abri : « Que soit proposée une autre mise à l’abri à l’ouest de la ville. Il est illusoire et dangereux de penser que tous les exilés se concentreront en un seul lieu. Ce serait source de tensions. »

Si les autorités voulaient bien éviter un nouveau Sangatte, en référence à l’accueil de nuit qui avait fini par être détruit en 2002, car totalement saturé, « nous avons bien un Sangatte bis, mais à ciel ouvert cette fois», affirme Vincent De Coninck  du Secours catholique. Marino Ficco, étudiant de l’aumônerie italienne, était à plusieurs reprises comme bénévole à Calais. Après Pâques il nous partage: « Les quelques 2000 migrants qui essayent de rejoindre l’Angleterre depuis Calais vivent désormais dans un ghetto au-delà de la zone industrielle. Ici ils ne dérangent personne. Enfin les touristes anglais en vacances pourront se promener tranquilles sans courir le risque de croiser un migrant. ». « En quittant Calais nous viennent à l’esprit les mots du pape François prononcés lors de la dernière journée de la paix : « La mondialisation de l’indifférence, qui aujourd’hui pèse sur la vie de beaucoup de sœurs et de frères, requiert que nous nous fassions tous les artisans d’une mondialisation de la solidarité et de la fraternité ». Qu’est-ce qu’on peut faire pour aider ces migrants à Calais? On peut aller sur place et agir dans le cadre des activités des nombreuses associations du territoire, envoyer des matériaux de construction, des vêtements ou de l’argent, faire pression sur nos gouvernants pour qu’on puisse arriver à des lois plus justes. En somme, ne pas oublier de rester humains. »