« Il ne s’agit pas seulement de migrants » par Alfonso Zardi

logo_pax_christiEditorial d’Alfonso Zardi, Délégué Général de Pax Christi France, paru dans le « Pax Info » N°201 (Septembre 2019) sur le thème de la JMMR 2019 : « Il ne s’agit pas seulement de migrants ».

Lorsque vous lirez ces lignes, la Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié (la 105e du nom, c’est dire si le problème est ancien !) sera derrière nous. Nous en aurons peut-être entendu parler à la messe du dimanche, ou dans des articles parus dans la presse, principalement catholique. Il aura été question d’accueil, de charité, de peur légitime de l’autre – mais finalement la réponse qui nous aura aussi apparu comme évidente c’est que nous, chacun de nous, n’y pouvons pas grand-chose. Les phénomènes – cataclysmes climatiques, insurrections armées, répression policière, sécheresse… – qui poussent des millions d’hommes, femmes, enfants, « à se mettre en voyage vers un ‘paradis’ qui trahit inexorablement leurs attentes », sont le fait des Etats, des guerres qu’ils ont déclenchées, des politiques insensées qu’ils ont promues ou tolérées, de l’indifférence dont ils font preuve à l’égard de problèmes qui se situent « ailleurs », alors que leur priorité est (justement, n’est-ce pas ?), « nous d’abord ». Nous les habitants des pays que ces mêmes problèmes hantent ou assiègent et qui recherchons, par-delà les paroles tonitruantes de certains de nos dirigeants politiques, protection, sécurité, voire certitude que nos intérêts seront sauvegardés en priorité, si ce n’est en exclusivité, face la misère du monde qui vient frapper à nos portes, s’infiltrer à travers nos murs, se glisser sous nos cloisons.

Alors les migrants, qu’ils se tiennent pour dit qu’ici il n’y a de la place que pour des réfugiés, des « vrais », avec des papiers en règle, et pas pour ceux dont fuir la misère, l’assèchement des sources, l’inhospitalité des terres, la mort du bétail, l’esclavage et les bombes même « intelligentes » est le seul choix pour subvenir à leur famille, sauver leur vie, garder l’espoir qu’un avenir (n’osons pas le mot « meilleur » !) existe. Les autres, les damnés d’une terre que nous contribuons à transformer en fournaise ardente (comme l’enfer du riche de la parabole de ce même 26e dimanche du temps ordinaire) ne sont « que » des migrants.

Eh bien non, « il ne s’agit pas seulement de migrants », nous martèle le pape François, mais de nous : de nos craintes légitimes qui nous transforment en êtres peureux et paralysés devant l’inconnu. Ces peurs et ces révulsions, qui furent celles d’un Samaritain tombant par hasard sur un Juif malmené au bord de la route comme nous tombons sur des « jungles » de clandestins de l’autre côté du périphérique parisien, c’est à chacun de nous de les vaincre pour aller à la rencontre du Seigneur, dit le pape, pour surmonter la poussée à l’individualisme et à l’égoïsme qui nous tenaille, pour faire preuve de miséricorde. Oui, mais non seulement. Dans cet appel à se faire témoins de la tendresse de Dieu il y a une reconnaissance du pouvoir proprement révolutionnaire de l’accueil de l’autre : « contribuer à la construction d’une société plus juste, d’une démocratie plus accomplie, d’un pays plus solidaire, d’un monde plus fraternel ». C’est bien là la dimension politique de notre action de chrétiens : nous contribuons à édifier la cité de Dieu et la cité des hommes, nous promouvons le développement intégral de toutes les personnes, nous aidons même « la communauté mondiale à s’approcher des objectifs de développement durable qu’elle s’est donnés et qu’il sera difficile d’atteindre autrement » !

Non, il ne s’agit pas que « de » migrants, ni que « des » migrants, il s’agit bel et bien de nous, de chacun de nous, qui portons en nos mains la caresse de Dieu.

Alfonso Zardi

Délégué Général

Pax Christi France

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