L’étranger dans la Bible : l’Ancien Testament

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Mars 2017 : Dans un camp de réfugiés au Liban.

La place de “l’étranger” dans la Bible n’est pas univoque. Si, d’un côté, comme le disait le Père Roland De Vaux1,  la Palestine a toujours été comme une sorte de “trottoir”, où nombre de populations différentes passaient et continuent de transiter, vu sa position de liaison entre l’Asie et l’Afrique, c’est cette exposition au mélange ethnique qui a provoqué, par réaction, des attitudes de résistance aux contacts avec les étrangers.

D’un autre côté, l’origine du peuple d’Israël est liée à une ethnie ayant migré en Palestine, soit après une vie nomade et de pillages comme le faisaient les Apirou2 du 2ème millénaire avant J.C., soit après avoir fait le tour de la Méditerranée comme les mystérieux peuples de la mer de l’Antiquité3, soit après avoir quitté les terres d’Ur en Mésopotamie comme le raconte la Bible.

Cependant, dans toute la Bible le rapport d’Israël à l’étranger exprime l’interaction qu’il y a entre un peuple qui cherche à se forger une identité et un monde environnant, peuplé d’étrangers au contact desquels va se construire cette identité qui n’en demeure pas moins marquée par la promesse d’universalité faite par Dieu à Abraham : « En toi seront bénies toutes les familles de la terre » (Gn 12,3).

L’étranger dans l’Ancien Testament

Dans l’Ancien Testament, on utilise plusieurs mots pour indiquer ceux qu’on définit “étrangers”. Le plus fréquent (92 fois) est ger, qui indique un individu qui se stabilise dans un territoire différent de celui d’origine, il profite de certains droits et doit observer certaines lois de la nouvelle communauté. Le nekar (45 fois), en revanche, est l’étranger de passage, qui se trouve temporairement dans un territoire mais sans vouloir s’y installer. Ce mot souligne la diversité ethnique, l’appartenance à un autre peuple : il s’agit d’un individu qu’il faut éviter car le contact avec lui peut éloigner les hommes de Dieu et induire l’idolâtrie. Le mot zar (70 fois) indique normalement l’extranéité et la diversité.

La première migration décrite dans la Bible est celle qui s’est vérifiée suite à la confusion des langues lors de la construction de la tour de Babel, quand Dieu a dispersé les gens sur toute la terre (Gn 11,8-9). Quant à Israël, c’est un peuple de migrants et dans son histoire il y a beaucoup de références aux étrangers qui viennent d’ailleurs pour s’installer parmi les Hébreux ou d’Israélites obligés d’émigrer à cause de famines ou de guerres. Toutefois, être étranger et migrant n’empêche pas d’avoir la faveur et la protection de Dieu.

Les migrations sont en réalité les premiers voyages racontés par l’Ancien Testament : le voyage d’Abraham d’Ur à Mambré ; la migration d’Isaac et Jacob de Palestine en Egypte ; l’exode de Moïse d’Egypte en Palestine par le désert du Sinaï ; les deux exils d’Israël en Assyrie (vers 734 avant J.C) et le grand exil du peuple d’Israël à Babylone, commencé en 597 avant J.C. par ordre du roi Nabuchodonosor.

1 Dominicain et ancien directeur de l’école biblique de Jérusalem (1903-1971).
2 Nom donné par de nombreuses sources sumériennes, égyptiennes, akkadiennes, hittites à une catégorie de la population du nord-ouest de la Mésopotamie et du Croissant Fertile, depuis les frontières de l'Égypte, jusqu'en Canaan et en Iran. Les Apirou sont nomades, semi-sédentaires, hors-la-loi, marginaux, rebelles, mercenaires, esclaves, travailleurs migrants…
3 Les Égyptiens appelaient Peuples de la mer des groupes de différents peuples venus attaquer sans succès à au moins deux reprises la région du delta du Nil, sous les règnes de Méneptah et de Ramsès III, à la fin du XIIIe siècle et au début du XIIe siècle avant notre ère, à la fin de l'Âge du bronze récent (période du Nouvel Empire égyptien).

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