« N’oubliez pas l’hospitalité » (Lettre aux Hébreux 13, 2)

Sculpture “Angels Unawares” de Timothy Schmalz, place Saint-Pierre à Rome.

Réflexion du Père Jean-Marie Carrière, SJ, sur l’enjeu spirituel de l’hospitalité chrétienne.

Au début de son dernier chapitre, la lettre aux Hébreux énumère dix conseils pour la vie de la communauté chrétienne. Cette liste – quasi comme un Décalogue – commence par l’amour fraternel, et continue par l’hospitalité : « N’oubliez pas l’hospitalité, elle a permis à certains, sans le savoir, de recevoir chez eux des anges ». L’hospitalité se joue sur le seuil, par où l’on entre ou l’on sort.

La lettre fait souvent référence au fait d’entrer. Dans la terre promise, en premier lieu, selon la promesse de Dieu à son peuple libéré du pouvoir absolu et tyrannique du Pharaon. Plus encore, il s’agit d’entrer dans le repos et la paix. Et pour le Christ, il s’agit de l’entrée auprès de Dieu, après avoir traversé l’épreuve de la souffrance et de la mort, vécue avec une grande constance et confiance. L’hospitalité ouvre la possibilité d’entrer : dans une terre de liberté, pour y trouver le repos après les efforts et les souffrances.

Un peu plus loin dans le chapitre, la lettre aux Hébreux n’oublie pas que le Christ a été crucifié en-dehors de la ville, à l’extérieur des portes. « Pour aller à sa rencontre, sortons en dehors de l’enceinte, en supportant son humiliation » (He 13,13). L’hospitalité ne consiste pas seulement à ouvrir sa porte, mais aussi à sortir au-dehors, pour retrouver ceux et celles qui vivent dans l’humiliation et l’indignité de l’invisibilité aux portes de nos villes, dans des camps. La main tendue, le café partagé, la conversation engagée.

« Ils ont reçu chez eux des anges, sans le savoir »

L’allusion à Abraham est claire. Abraham, figure du migrant, et figure du croyant. En accordant sa foi à la promesse de Dieu, Abraham a consenti à mettre sa vie sous le signe du départ, sous la modalité du déplacement dont l’itinéraire est souvent imprévisible, au gré des circonstances et des compagnonnages. Un tel chemin de dénuement et de simplification l’a rendu disponible à accueillir les trois voyageurs qui passent près de son camp, et à mobiliser dans la hâte tous les siens pour offrir un repas de qualité. L’hospitalité se déploie grâce à la disponibilité à l’accueil, et dans la joie d’un repas partagé. L’invitation discrètement proposée, la conversation avec retenue.

Mais, « sans le savoir » ? Est-ce possible de croire que ceux et celles que nous accueillons dans une hospitalité ouverte soient (comme) des anges ? Le temps gratuit offert dans la rencontre nous le confirme : les « accueillis » apportent avec eux des cadeaux – un peu comme les rois mages ! – qui ne se découvrent qu’au fil du temps : un peu de leur culture, un peu de leur manière de voir les choses et de vivre, un peu de leur sagesse et de leurs convictions. Alors, les échanges et les partages construisent un peu de commun.

L’hospitalité construit patiemment ce « nous » dont rêve le pape François dans Fratelli Tutti : « Nous sommes invités à nous mobiliser et à nous retrouver dans un ‘‘nous’’ qui soit plus fort que la somme de petites individualités » (n°78) – « Plaise au ciel qu’en fin de compte il n’y ait pas ‘‘les autres’’, mais plutôt un ‘‘nous’’ ! » (n°35). L’hospitalité a partie liée avec la fraternité : « Que demeure l’amour fraternel, n’oubliez pas l’hospitalité » (He 13,1-2).

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