Méditation sur le don de Dieu dans l’Evangile de la Samaritaine
Cette trame sur l’Evangile de la Samaritaine a servi d’introduction à une rencontre dans le diocèse de Nice.
Evangile selon Jean, chapitre 4 : Jésus et la femme de Samarie 03 Dès lors, Jésus quitta la Judée pour retourner en Galilée. 04 Or, il lui fallait traverser la Samarie. 05 Il arrive donc à une ville de Samarie, appelée Sykar, près du terrain que Jacob avait donné à son fils Joseph. 06 Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la route, s’était donc assis près de la source. C’était la sixième heure, environ midi. 07 Arrive une femme de Samarie, qui venait puiser de l’eau. Jésus lui dit : « Donne-moi à boire. » 08 – En effet, ses disciples étaient partis à la ville pour acheter des provisions. 09 La Samaritaine lui dit : « Comment ! Toi, un Juif, tu me demandes à boire, à moi, une Samaritaine ? » – En effet, les Juifs ne fréquentent pas les Samaritains. 10 Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. » 11 Elle lui dit : « Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond. D’où as-tu donc cette eau vive ?
Jésus quitte la Judée où il semble menacé. En chemin il s’arrête au puits de Jacob. Il est fatigué.
Jésus fatigué, c’est une image peu habituelle. On a plus l’habitude de le voir parcourant villes et villages et se retirer pour prier quand c’est nécessaire. Cette fatigue mentionnée ici est physique et me renvoie à celle des migrants.
Les migrants quittent leur pays. Ils sont menacés par la guerre, la persécution, la faim, etc. Leur parcours est fatigant. Un jour, ils s’arrêtent. Une étape ? Le bout du chemin ? Ils sont fatigués.
Une femme vient au puits puiser de l’eau. Jésus lui dit « donne-moi à boire ». La Samaritaine s’étonne qu’un Juif lui demande à boire (Il y a eu division entre les royaumes de Judée et de Samarie. Les Samaritains sont considérés comme des étrangers par les Juifs).
Jésus fait opérer à la Samaritaine un premier changement de regard : Il inverse les codes admis, il la déstabilise. Un Juif demande à boire à une femme samaritaine, une étrangère qui de plus n’est pas irréprochable sur le plan moral.
Les migrants arrivent chez nous, ils demandent à être accueillis, protégés. Ils nous poussent à changer notre regard, notre appréciation de leur situation. Dans la démarche d’accueil, nous avons franchi ce pas. Mais comment s’est opéré ce changement? Qu’est-ce qui est en jeu ? Comment analysons-nous le rejet du migrant ? En quoi s’enracine-t-il ?
Jésus lui répondit : « Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : “Donne-moi à boire”, c’est toi qui lui aurais demandé, et il t’aurait donné de l’eau vive. »
Qui sont les migrants qui arrivent chez nous ? De pauvres hères, illettrés, qui ne font que demander et veulent profiter de nos richesses et de nos services ? Qui sont-ils ? Est-ce que nous raterions quelque chose si nous leur refusions le verre d’eau qu’ils demandent ?
Et s’ils nous apportaient quelque chose ? Est-ce que dans notre monde en mutation ils ne sont pas un signe que, entre fermeture, repli et ouverture, il y a un choix à faire ? L’ouverture est une inconnue qui est risquée, mais ne sont-ils pas le visage de cette inconnue ?
C’est toi qui m’aurais demandé à boire. Seigneur, tu n’as rien pour puiser, et le puits est profond.
Jésus provoque un deuxième changement de regard : tu veux me donner à boire mais tu n’as rien pour puiser. Et pour cause, l’eau que propose Jésus est d’une autre nature.
Si nous savions vraiment qui sont ceux que nous accueillons, peut-être que nous leur demanderions quelque chose même si, apparemment, ils n’ont rien à donner. Ou peut-être accepterions-nous de voir ce qu’ils nous apportent qui n’est pas de la même nature que ce que nous leur offrons.
Au-delà du parallèle amorcé, ce texte de la Samaritaine nous invite à une inversion de regard : A la vision de la Samaritaine, Jésus propose une autre vision. Il propose aussi d’accueillir, accueillir le don, le don de Dieu. Dans la suite du texte, la Samaritaine va poursuivre son cheminement. Pas à pas, Jésus la déstabilise pour la mettre dans une dynamique qui la pousse à aller plus loin (Appelle ton mari. Je n’ai pas de mari. Tu as raison de dire que tu n’as pas de mari, tu en as eu cinq et celui que tu as actuellement n’est pas ton mari). Jésus amène la Samaritaine à la conversion.
Les migrants aussi nous déstabilisent. Est-ce que Jésus nous invite, à travers eux, à sortir de nos schémas pour aller plus loin.
Deuxième Lettre aux Corinthiens, chapitre 8, versets 13-15 : Donner généreusement 13 Il ne s’agit pas de vous mettre dans la gêne en soulageant les autres, il s’agit d’égalité. 14 Dans la circonstance présente, ce que vous avez en abondance comblera leurs besoins, afin que, réciproquement, ce qu’ils ont en abondance puisse combler vos besoins, et cela fera l’égalité, 15 comme dit l’Écriture à propos de la manne : Celui qui en avait ramassé beaucoup n’eut rien de trop, celui qui en avait ramassé peu ne manqua de rien.
Après le don et la réciprocité que nous avons évoqués, ce deuxième texte jette les bases d’une égalité dans les rapports. L’égalité s’initie dans la réciprocité. C’est un échange : ce que vous avez en abondance comblera leur besoin et vice versa. L’accueil à sens unique, l’accueil qui enferme, ou pire, qui fait de l’autre un objet et non un sujet est-il toujours de l’accueil ? Qu’est-ce que les migrants ont en abondance et qui pourrait combler nos besoins, nos manques ? L’accueil du migrant serait-il un chemin de conversion ? Et ce, au-delà de la conversion du regard, du changement d’attitude ? Le don de Dieu se manifeste à travers la grâce qui nous est faite d’accueillir l’autre.
3 questions
1 – Comment avez-vous vécu dans les accueils, les 4 verbes du pape François – « Accueillir, Protéger, Promouvoir et Intégrer » – de la Journée mondiale du migrant et du réfugié 2018 ?
2 – Est-ce que j’ai vécu cet accueil de manière paisible et sereine ?
3 – Est-ce que je perçois la personne accueillie comme un don ? Si oui, qu’est-ce que ça a changé ? Qu’est-ce que cela entraîne ?