Lettre de Mgr Georges Colomb pour Noël 2018
Chers frères dans le sacerdoce, chers amis diacres,
Bien chers frères et sœurs,
Le temps de Noël revient, il nous convoque à une contemplation toujours renouvelée de Dieu notre Seigneur, venu à nous dans la chair, pour nous sauver, et nous donner la Vie en abondance.
Ce temps béni est l’occasion pour nous, et pour les communautés catholiques de notre diocèse, d’examiner l’accueil et l’hospitalité que nous réservons au Christ dans nos vies. Il ne saurait s’agir seulement des postures intellectuelles ou spirituelles ; l’accueil et l’hospitalité prennent tout leur sens, et deviennent réels quand ils s’incarnent dans l’accueil et l’hospitalité de personnes concrètes1.
C’est pour cela qu’en ce Noël, je souhaite vous parler de l’accueil et de l’hospitalité que réserve notre Eglise diocésaine aux migrants et aux réfugiés qui vivent sur ce territoire.
Rappelons-nous ! Le 6 septembre 2015, le pape François appelait «chaque paroisse, chaque communauté religieuse, chaque monastère et sanctuaire de toute l’Europe à accueillir une famille de réfugiés, à commencer par le diocèse de Rome»2. L’Écriture nous engage : « Persévérez dans l’amour fraternel, n’oubliez pas l’hospitalité, car c’est grâce à elle que quelques-uns, à leur insu, hébergèrent des anges ».3
L’Église exprime depuis longtemps sa sollicitude envers les migrants et les réfugiés, mais cet appel du Pape a donné une nouvelle ampleur à son engagement, et depuis, de nouveaux groupes se sont mobilisés pour faire vivre une « culture de la rencontre » qui s’oppose à l’indifférence et refuse l’impuissance. Et ils sont nombreux dans notre diocèse.
Le pape François nous rappelle en effet, que sur le plan existentiel, du fait de notre foi, nous sommes tous des migrants, des hommes et des femmes assoiffés d’infini, des exilés en chemin vers la patrie définitive, tendus entre le « déjà » et le « pas encore » du royaume des cieux. Nous sommes, comme les migrants, des gens qui cherchent leur chemin. Et dans cette recherche nous avons besoin aussi de celles et de ceux qui viennent d’ailleurs et qui possèdent peut-être dans leurs traditions, dans leurs croyances, dans leurs manières de comprendre la vie, des éléments indispensables à notre propre équilibre humain. Nous devons être assez lucides et assez modestes pour accepter et reconnaître que nous recevons autant que nous donnons, et que la rencontre ne peut jamais être conçue à sens unique.
Comment faire ?
Il y a un mois, le service de la Pastorale des Migrants, que j’ai suscité l’année dernière en demandant Katia Mikhaël d’en assurer la responsabilité, a envoyé à tous les acteurs pastoraux du diocèse une proposition contenue dans trois axes de travail pour cette année 2018-20194. J’appuie fortement ces pistes de travail, et je vous encourage, avec vos équipes pastorales et vos communautés catholiques, en prendre amplement la mesure.
Je m’arrête particulièrement à la question du logement. Ne pas avoir de toit met les personnes et les familles migrantes dans une grande précarité, et en fait la proie de réseaux qui menacent la paix sociale. En Janvier 2018, le Pape François appelait la communauté humaine à agir en faveur des migrants avec ces 4 impératifs5 : Accueillir, protéger, promouvoir, intégrer. Le deuxième verbe, protéger », se décline en toute une série d’actions pour la défense des droits et de la dignité des migrants et des réfugiés, indépendamment de leur statut de migrant6.
Protéger, c’est avant tout donner un toit
Concrètement, certaines paroisses peuvent avoir un logement à proposer temporairement, c’est assez rare. Des paroissiens ont-ils un logement à proposer pour une durée déterminée, ou bien, est-il possible de louer un logement à proposer à une famille migrante ? Il nous faut être créatif ensemble ! Suscitons dans nos paroisses des associations d’accompagnement et de financement de logement au profit des familles qui n’ont pas de toit. Ce sont des associations locales, dites «Cent pour Un», au sein desquelles cent citoyens cotisent 5€ par mois pour assurer un loyer de 500€ à une famille accueillie. Faisons-le en partenariat avec les organismes catholiques qui œuvrent déjà sur le territoire, comme les équipes locales du Secours Catholique, du CCFD, de l’Œuvre d’Orient, mais aussi avec d’autres associations et des citoyens sensibles à la protection de la dignité de toute personne humaine. N’hésitez pas, dans ces démarches, à vous rapprocher du service diocésain des migrants qui pourra vous faire profiter de son expertise.
Pour les migrants célibataires, il est possible pour des paroissiens, toujours en lien avec d’autres citoyens, de créer un réseau de « Canapés Solidaires ». Cela consiste à offrir à un migrant seul, un lieu de repos pour quelques nuits. A plusieurs, le défi est relevé moins difficilement. Là aussi, une coordination associative est nécessaire. Une attention particulière en fait est requise envers les jeunes adultes qui ont moins de 25 ans, nous disent les acteurs sociaux, car ils sont particulièrement menacés par le manque d’appui institutionnel.
La question centrale demeure celle de l’accompagnement des personnes dans la dignité, et cela ne peut se faire qu’ensemble. Chacun pourra mettre ses compétences au service du projet commun (démarches administratives, apprentissage du français, scolarisation des enfants, recherche d’emploi, soirées conviviales pour une connaissance réciproque, ou encore sorties culturelles pour connaître la région d’accueil et se familiariser avec sa culture, etc.)
Dans cette démarche d’accompagnement, portons le souci spécifique de la dimension de foi. Cet aspect est souvent peu pris en compte par les autres acteurs de la solidarité qui sont marqués par une compréhension particulière de la laïcité. En lien avec des représentants d’autres confessions et d’autres religions, cherchons à aider les migrants croyants à vivre leur foi en France. L’accueil des migrants est un réel défi pastoral pour notre Eglise, il nous invite à la grandeur d’âme, il nous pousse à partager notre foi, et nous convoque à notre vocation première qu’est la charité.
Nous souhaitons que cette démarche d’accompagnement des migrants s’inscrive dans notre vie paroissiale et locale. Il serait opportun alors, au moins dans les paroisses où cette question se pose, de désigner un chrétien de la communauté avec la mission de veiller sur les migrants présents sur le territoire de la paroisse, de recenser les actions déjà existantes, et les besoins, et d’en référer au curé pour proposer les initiatives adéquates.
La date proposée du Dimanche 20 janvier 2019 comme Journée de la fraternité avec les Migrants peut être l’occasion de lancement de ces initiatives là où elles sont mûres.
Tournons-nous en ce Noël vers Marie et Joseph, eux qui ont fait l’expérience de la dureté de l’exil7. Confions à leur intercession les aspirations de nos communautés, afin que, selon le plus grand commandement de Dieu8, nous apprenions tous à aimer l’autre, l’étranger, comme nous – mêmes. C’est de cet amour, aujourd’hui comme toujours, que jaillit la vie en abondance.
Chers frères prêtres, en cette fin d’année 2018 qui fut éprouvante à bien des égards pour notre Eglise en France et ailleurs, à la suite du message donné à Lourdes à l’issue de l’assemblée de la Conférence épiscopale, laissez-moi vous redire toute ma confiance pour le service fidèle que vous assurez en annonçant la parole de Dieu, en servant les communautés chrétiennes afin qu’elles soient en sortie, comme le souhaite le Saint-Père. Je rendrai visite aux prêtres et les rencontrerai chez eux au cours du prochain semestre. Veuillez trouver, ci-joint, une lettre signée par Mgr Pontier et les membres du Conseil permanent de la Conférence épiscopale. En cette période troublée dans notre pays, je sais que vous êtes à l’écoute de ceux qui ont peur pour la fin du monde et s’engagent pour sauvegarder notre maison commune, mais aussi de ceux qui ont peur pour la fin du mois. C’est la force du prêtre en paroisse d’être au contact avec une population variée et représentative de la diversité sociologique de notre pays. C’est la beauté de l’Eglise d’être sur toutes les latitudes sociales et culturelles.
A Saint-Pierre et Miquelon, autre partie de notre diocèse, j’ai visité une communauté qui s’organise pour annoncer l’évangile dans les écoles, dans les paroisses. J’ai trouvé des frères qui se demandent quel sera l’avenir de leur territoire. La baisse de la natalité, passée en 12 ans de 90 à 30 naissances/an, menace l’existence de plusieurs écoles maternelles et primaires à court terme. A moyen et long terme, c’est l’avenir de l’archipel qui est en jeu.
De retour d’Algérie où j’ai eu la chance, pour la troisième fois, de rencontrer des communautés chrétiennes en accompagnant un groupe de 80 pèlerins (parmi lesquels des familles de martyrs béatifiés) à la béatification de Mgr Claverie et de ses 18 compagnons, j’ai pu prier sur la tombe des moines à Tibhirine et notamment sur celle de frère Paul, un ami connu avant qu’il n’entre à l’abbaye de Tamié et qu’il soit envoyé à Tibhirine. Le témoignage de nos frères martyrs porte des fruits dans les nombreuses visites d’Algérois que reçoivent les quatre frères et sœurs de la communauté du Chemin Neuf. Ces derniers assurent courageusement, à la suite des moines, la prière de la liturgie des heures, la célébration de l’eucharistie quotidienne et le vivre ensemble avec la population locale et les nombreux visiteurs ou pèlerins (?) du pays. A Notre-Dame d’Afrique, à Alger, chez les Petites Sœurs des Pauvres ou à la cathédrale à Oran, l’histoire de l’Eglise en Algérie continue de s’écrire dans le témoignage et le dialogue, c’est l’histoire d’une fidélité. Chacun des 19 martyrs béatifiés par le pape François avait déjà tout donné, chacun savait que sa vie était en danger, aucun n’a souhaité quitter la terre d’Algérie, les hommes et les femmes avec lesquels aujourd’hui continue de s’écrire une histoire d’amour, l’histoire du salut de ceux qui consacrent leur vie à la plus belle cause : la rencontre du Dieu d’amour avec l’homme.
Nous aurons la joie de célébrer l’ordination diaconale de Guy le 16 décembre, celle de Luca, le 6 janvier et, si Dieu le veut, l’année 2019 nous permettra de vivre leur ordination presbytérale et celle de Louis. Remercions notre Seigneur et demandons-lui la grâce que des jeunes du diocèse entendent l’appel à la vie sacerdotale chez nous, à la vie monastique, religieuse ou missionnaire. Bon temps de Noël à chacun, et à chacune de vos communautés.
Mgr Georges COLOMB
Évêque de La Rochelle, Saintes, Saint-Pierre et Miquelon
1. Mt 25,35. 2. Angélus, pape François, Place Saint-Pierre, Dimanche 6 septembre 2015. 3. Hb 13,3. 4. Courrier du Service de la Pastorale des Migrants du Diocèse de La Rochelle et Saintes à tous les acteurs pastoraux, 3 novembre 2018. 5. Message pour la 104ème Journée Mondiale du Migrant et du Réfugié 2018, 15 août 2017. 6. Benoît XVI, Lettre encyclique Caritas in veritate, 62. 7. Mt 2, 13-15. 8. Mt 22,39 ; Lv 19,18.