« J’avais faim, et vous m’avez donné à manger »: à Paris, vivre l’évangile au temps du coronavirus
Sur le parvis de l’église Saint-Bernard de la Chapelle, à Paris (18ème), l’évangile selon saint Matthieu est mis en pratique chaque jour : « J’avais faim, et vous m’avez donné à manger; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli » (Mt 25, 35). Michel Antoine, de l’association Solidarités St-Bernard, témoigne de cette action indispensable.
Le Vicariat pour la Solidarité du diocèse de Paris a fait appel aux fidèles fin mars. Plus de 1600 personnes se sont inscrites pour prêter main forte. Ainsi, 27 paroisses sont devenues « centres de distribution de proximité ». Saint-Bernard de la Chapelle fait partie des quatre églises du XVIIIème arrondissement de Paris mobilisées tous les jours à 12h. Approvisionnée au départ par le centre géré par l’association Aurore, situé tout près, boulevard Barbès, c’est désormais la cantine du collège Stanislas (6ème) qui régale, sur financement du diocèse.
La paroisse peut compter sur 30 volontaires, âgés de 18 à 69 ans. Ils se relaient chaque jour pour distribuer 400 repas froids et autant de bouteilles d’eau. Fin mars, ceux-ci contenaient une petite salade piémontaise au poisson, une pomme ou une orange, du pain (ou pas), un morceau de fromage, un yaourt et des gâteaux secs. « 850 calories, cela ne suffisait pas », commente Michel Antoine. Depuis, les repas ont été agrémentés d’aliments plus caloriques. Car, pour la plupart des personnes accueillies, ce repas constitue l’unique repas de la journée.
On ne croise plus que « les gens de la rue »
Engagé dans l’association depuis 2016, il est fonctionnaire retraité depuis 2017. Sur son trajet matinal depuis la Place de Clichy, il ne voit plus ni vendeurs de cigarettes ni dealers, devenus discrets. Bus et rames de métro sont pratiquement vides. Dans ce quartier populaire, où « les gens vivent dans la rue », on ne croise plus que « les gens de la rue ». Les établissements autorisés et leurs files d’attente qui s’étirent le long des vitrines sont les nouveaux lieux de mendicité.
L’ancien administrateur, qui conseillait les députés à l’Assemblée nationale, a le sens du service mais aussi le sens pratique : « Les sans-abri ne savent plus où se laver, où manger, où boire ». Il bouillonne intérieurement contre une belle carte en ligne qui recense les points d’eau situés dans des parcs… inaccessibles et des toilettes publiques… condamnées car les employés du prestataire ont exercé leur droit de retrait. Pour celles et ceux qui vivent en foyer, il explique que la faim se fait sentir car « il est devenu beaucoup plus difficile de trouver la nourriture quotidienne indispensable. De nombreuses structures d’aide sociale ont en effet dû réduire leur activité ».
« Les plus touchés ne s’approchent pas : nous allons vers eux, en petit groupe de deux ou trois personnes. Les femmes vont vers les femmes. Et il faut leur parler » ajoute-t-il.
Des bénévoles plus jeunes, la relève ?
Michel Antoine multiplie les constats alarmants : moins de points de distribution alimentaires, des quantités insuffisantes, une pénurie de bénévoles en raison du confinement qui cloître à la maison les plus de 70 ans. De quoi se réjouir alors ? « De nouveaux bénévoles se sont manifestés et ils sont jeunes ». Il voudrait pérenniser « un état d’esprit de coopération intergénérationnelle ».
Si certains ont « des convictions religieuses fortes », d’autres sont « des personnes de bonne volonté qui vivent l’Evangile plus concrètement que beaucoup de paroissiens ». Pour « le monde d’après », l’homme d’action et de réflexion insiste sur la nécessité de « trouver les moyens pour que chacun puisse vivre dans la dignité », afin de « rendre notre société plus humaine ».
Claire Rocher (SNPMPI)
« Heureux les pauvres » (Mt 5, 3)
« Ne restez pas dans votre bulle, osez regarder autour de vous et surtout ayez confiance », encourage-t-il.
Autrement dit, s’ouvrir au monde et aux autres, « oser la rencontre », comme l’y invite inlassablement le pape François, « une référence de première catégorie » pour lui.