« Ce que l’Église continue à faire pendant le confinement pour les personnes migrantes » par P. Carlos Caetano, cs

P. Carlos Caetano, cs

Comment imaginer une pastorale de la mobilité humaine dans une situation d’immobilité générale ? Comme tous les services d’Eglise, la pastorale des migrants a dû trouver de nouvelles voies pour poursuivre sa mission et mettre en œuvre, dans un contexte d’épidémie et de confinement, les quatre verbes clés de son action en faveur des migrants, proposés par le pape François en 2018 : accueillir, protéger, promouvoir et intégrer. Un défi particulièrement difficile pour une pastorale qui compensait régulièrement les difficultés de communication (conséquence des barrières linguistiques) par des actions fraternelles concrètes, par le langage des gestes et par les signes presque universels des sourires ou des embrassades.

En premier lieu, il a fallu repenser le service de la solidarité. Comme beaucoup d’autres institutions et associations, les équipes diocésaines et paroissiales chargées de la pastorale des migrants dépendent, dans une large mesure, de la générosité de bénévoles retraités, dont l’âge ne leur permet pas d’apporter leur contribution habituelle, en raison des mesures imposées par le confinement. En particulier, pendant la première semaine, plusieurs projets d’aide aux migrants et aux réfugiés ont dû réduire leur voilure ou se sont arrêtés.

Heureusement, de nombreux jeunes ont répondu aux appels de l’Église et se sont rendus disponibles pour servir les plus fragiles. Un grand nombre d’initiatives caritatives a rapidement repris et de nouveaux projets de solidarité spécifiques ont été développés, en réponse à cette période d’épidémie. C’est le cas, par exemple, des 28 paroisses du diocèse de Paris, qui sont devenues des centres de distribution alimentaire ou du nouveau centre d’accueil pour migrants et personnes de la rue atteints du coronavirus, sans besoin d’hospitalisation, ouvert dans le diocèse de Nantes.

Mais même pour ceux qui ne peuvent pas quitter leur domicile, la pastorale des migrants ne s’arrête pas ! « Chacun chez soi, mais pas chacun pour soi ! » En dehors de tout le bien que nous pouvons faire, par exemple en contactant par téléphone les migrants que nous connaissons (et ces contacts sont précieux pour les personnes qui vivaient déjà le drame de l’exclusion et de l’isolement), le confinement ne nous empêche pas de développer une activité de plaidoyer.

Le confinement impacte le droit des étrangers en France et le nombre d’initiatives et de campagnes qui tentent de donner une visibilité aux problèmes des migrants et de proposer des solutions s’est multiplié depuis le début de l’épidémie de COVID-19. Pour toutes les équipes de la pastorale des migrants, le confinement est l’occasion de renforcer la collaboration avec les partenaires associatifs et de soutenir les campagnes qui proposent une logique de solidarité dans la gestion des flux migratoires. Comme « I Welcome » d’Amnesty International, qui vise à obtenir une vraie solidarité entre les États pour mieux protéger et accueillir les réfugiés. Ou les efforts de La Cimade pour que toutes les personnes exilées à Calais et à Grande-Synthe soient mises à l’abri. Ou encore le mouvement mondial, auquel le CCFD-Terre Solidaire a déjà adhéré, qui demande l’annulation de la dette des pays du Sud et le déblocage des fonds d’urgence pour faire face à la crise sanitaire.

L’accompagnement spirituel des migrants

Au-delà des efforts de solidarité et de plaidoyer, il existe une troisième dimension qui ne pourra jamais être oubliée; une dimension qui distingue la pastorale des migrants de tant d’autres démarches; qui exige de la créativité et de nouveaux moyens pendant cette période de confinement : c’est l’accompagnement spirituel des migrants. En dehors des contacts téléphoniques que les agents pastoraux entretiennent régulièrement avec les migrants, où la dimension spirituelle n’est jamais marginale, de nombreux aumôniers de migrants ont adopté la même logique que tant de curés et ont commencé à partager sur les réseaux sociaux les vidéos des célébrations liturgiques dans la langue maternelle des fidèles issus de l’immigration. Ils envoient également par courrier électronique tout le matériel nécessaire à la poursuite des parcours catéchétiques dans les familles et/ou organisent des cours de catéchèse par vidéoconférence.

Il est à noter que certaines communautés catholiques de migrants étaient mieux préparées à faire face au confinement que certaines paroisses. Dans le cadre de la pastorale des migrants, le critère territorial a toujours été secondaire. Les migrants recherchent l’église où on célèbre la liturgie dans leur propre langue et non la plus proche de chez eux. De nombreux migrants cultivent depuis plusieurs années le sentiment d’appartenance à une communauté, aidés par toutes les technologies de communication : groupes de prière WhatsApp, transmission radiophonique de la Sainte Messe, conférences et catéchèses en streaming, etc. Tous ces moyens étaient déjà utilisés par plusieurs aumôneries catholiques de la migration, bien avant le début de cette épidémie. En outre, ce n’est pas un secret : la nécessité de créer des relations et d’établir des réseaux est une réalité très forte dans le contexte de la migration. Grâce à la pandémie, chacun d’entre nous a commencé à comprendre pourquoi un téléphone portable et une bonne connexion Internet sont si importants pour les migrants et les réfugiés…

Il est difficile d’imaginer l’évolution de la pastorale des migrants dans les semaines et les mois à venir. Nous naviguons à vue… Chaque jour, de nouvelles informations arrivent sur la gestion de l’épidémie. Il est temps de cultiver dans nos cœurs cette vertu fondamentale qui anime les pas de tous les migrants : l’espérance!

L’espérance que les difficultés que nous connaissons aujourd’hui ne dureront pas éternellement.
L’espérance qu’à l’horizon, des thérapies et des vaccins efficaces seront mis au point.
L’espérance que, même dans les moments les plus difficiles, Dieu marche toujours avec son peuple.

Père Carlos Caetano, cs
Directeur du Service national de la pastorale des migrants et des personnes itinérantes (SNPMPI)
Directeur du Service national de la mission universelle de l’Église (SNMUE)

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