Regard orthodoxe sur «L’Homme de Dieu» de Yelena Popovic (2021)
Né à Sélyvrie, aujourd’hui Silivri en Turquie, saint Nektarios (1846-1920) a été canonisé en 1961. Il est enterré sur l’île grecque d’Égine, au sud-ouest d’Athènes. Ivan Karageorgiev, prêtre orthodoxe d’origine bulgare, et membre du Service National pour l’Unité des Chrétiens (SNUC) de la CEF, a vu le film de Yelena Popovic.
Connaissiez-vous saint Nektarios d’Égine et quelle est sa place dans l’Église orthodoxe ?
Nektarios d’Égine est connu dans le monde orthodoxe grâce à ses miracles : c’est un saint thaumaturge. Sa tombe est le lieu de nombreux pèlerinages. Je n’y suis jamais allé, contrairement à mon épouse. C’est grâce au film que j’ai pu mieux le connaître. J’ignorais qu’il avait été aussi malmené par les siens. Les épreuves dont sont à l’origine ses confrères m’ont fait penser à un autre saint de l’Eglise orthodoxe du 1er millénaire : saint Maxime le Confesseur. Il est mort avant le 6ème Concile œcuménique (680-681) qui a condamné le « monothélisme », hérésie qui stipule que Dieu n’a qu’une seule volonté divine. Or saint Maxime défendait l’idée que Dieu a deux volontés, humaine et divine, afin que l’Incarnation soit authentique mais il était quasiment seul dans ce combat. Il a été exilé et on lui a coupé la main et la langue, afin qu’il ne puisse plus ni écrire ni s’exprimer… Sa position théologique a été reprise par le 6ème Concile œcuménique et il a ensuite été canonisé. Son histoire montre que le Saint-Esprit peut agir d’une manière qui nous échappe. De tels cas sont rarissimes dans l’histoire de l’Église – heureusement peut-être – mais ils témoignent du fait que Dieu peut toujours agir avec nous, même si nous ne sommes pas toujours avec Lui. Dieu respecte notre volonté et en même temps, son amour pour nous et le monde est beaucoup plus fort que notre désobéissance.
Qu’est-ce que le « saint Synode »?
C’est l’organe décisionnel de l’Église orthodoxe. Il est présidé par le patriarche ou par l’archevêque. Dans tous les cas, il s’agit d’un évêque, dont la mission est de mener l’Église locale, avec l’appui de ses confrères dans l’épiscopat. Le grec synodos signifie littéralement « faire ensemble un chemin ». L’objectif du « saint Synode » est de prendre des décisions relatives à la vie de l’Église locale. Le patriarche ne peut pas prendre des décisions importantes sans l’avis de ses confrères dans l’épiscopat.
Comment comprendre que les épreuves subies par Nektarios du fait même de sa hiérarchie – persécutions, exil – ont pu être pour lui un chemin de sainteté ?
C’est plus subtil ! Il n’a pas été persécuté pour des questions dogmatiques de foi. Il a été calomnié. Ceux qui ont eu tort sont les auteurs des calomnies. Certaines personnes y ont cru. La grandeur de ce saint est d’avoir continué à œuvrer pour l’Église. L’autre question est : sans ces épreuves, Nektarios serait-il devenu saint ? Peut-être aurait-il fait un excellent patriarche d’Alexandrie mais il ne serait peut-être pas devenu saint s’il n’avait pas eu à supporter tous ces mensonges. La Providence de Dieu ne respecte par la logique humaine qui aurait voulu qu’il devienne patriarche d’Alexandrie. Il en avait les qualités et le charisme. Il aurait sans nul doute fait beaucoup de bien. Serait-il devenu saint Nektarios d’Égine ? Je ne le crois pas.
Quel serait son message pour nous aujourd’hui ?
Son humilité d’assumer cette volonté de Dieu, son acceptation du chemin de Croix, a abouti, non seulement à sa résurrection mais aussi à celle de plusieurs fidèles qui viennent, encore aujourd’hui, prier sur sa tombe et repartent changés, puisent des forces que personne d’autre ne peut leur donner. C’est le mystère de la Croix ! Chacun est appelé à le vivre, à sa mesure. Nektarios peut donc être un exemple aussi pour nous qui avons des petits projets et qui ne sommes pas très heureux quand ceux-ci tombent à l’eau. Le projet de ses fidèles a échoué et saint Nektarios est né. Quand nos projets ne fonctionnent pas, est-ce que Dieu ne prépare pas un chemin meilleur pour nous, mais que nos propres frères considèrent comme de la folie ? La folie de Dieu est beaucoup plus sage que la sagesse de notre monde…
Propos recueillis par Claire Rocher (SNMM)