La France qui accueille (Ed. de l’Atelier)
« Si notre pays peine à offrir des conditions d’accueil honorables, c’est davantage dû aux carences des pouvoirs publics qu’à la frilosité de la société civile ». Ce constat, posé dès l’introduction par les auteurs, le médecin Jean-François Corty, directeur des opérations internationales à Médecins du Monde, et le journaliste Dominique Chivot, interroge le lecteur sur l’image fermée – voire hostile – des Français vis-à-vis des migrants véhiculée par les médias.
Or on sait désormais, grâce à l’enquête publiée dans La Croix le 7 juin dernier, que les catholiques français, même s’ils ont des craintes, savent les dépasser pour faire preuve concrètement de solidarité et même d’hospitalité.
On conseillera donc ce livre à tous les « ambivalents » qui n’ont pas encore « osé la rencontre » avec le « frère venu d’ailleurs ». Car non seulement ce livre relève le défi de faire découvrir quelques-unes des initiatives d’accueil en France aujourd’hui mais il réussit aussi à donner envie de rejoindre cette mobilisation porteuse d’espérance. Les plus militants verront quels sont les interlocuteurs ad hoc en vue d’actions de plaidoyer.
A chacun son action
Des banlieues où les valeurs de « solidarité, partage, envie de bien faire, de faire le bien » ont donné à Malik Diallo l’idée d’un « Grand Défi » consistant à préparer le plus de repas possible pour les exilés des camps parisiens aux « passeurs citoyens » de la vallée de la Roya, à la frontière franco-italienne, fermée depuis le 14 novembre 2015. De la plateforme en ligne développée par Singa qui met en relation les « be-Calm » qui peuvent accueillir chez eux et les « stay-Calm » qui cherchent un hébergement au programme « Welcome » du JRS (Service Jésuite des Réfugiés) qui propose un accueil familial pour les demandeurs d’asile pour une durée de 4 à 6 semaines maximum, chacun peut trouver sa façon de « franchir le pas » !
Les auteurs alertent aussi sur la situation des mineurs non-accompagnés (MNA) qui ont droit à une protection de l’Etat via l’Aide Sociale à l’Enfance (ASE). Alors que, par manque de places dans les foyers pour mineurs, des enfants se retrouvent à la rue, ils citent l’exemple le conseil départemental du Nord qui a voté en 2017 une délibération permettant l’accueil de mineurs de moins de 16 ans dans des familles défrayées par l’ASE. Des solutions existent donc, qui sont rendues possibles grâce à la bonne « coordination entre le tissu associatif et les autorités politiques et administratives ».
Enseignants, étudiants ou simples parents solidaires sont salués à travers plusieurs engagements et réseaux, notamment celui de RESF et des grandes écoles. Cette approche permet aux auteurs de rappeler que « la question ne doit pas rester l’apanage du ministère de l’Intérieur, alors qu’elle concerne plusieurs départements d’action gouvernementale ».
Après une analyse des problématiques propres aux camps de migrants (Calais, Grande-Synthe, Paris), il est question de culture et d’artistes engagés car « les exigences de l’accueil et de l’intégration (…) passent obligatoirement par la culture ». On cite notamment le Festival culturel « Migrant’scène » de La Cimade.
Chargé de l’accueil des réfugiés syriens et irakiens en France, le préfet Jean-Jacques Brot le confirme : « Cette réalité est stimulante et enthousiasmante, mais elle n’est guère visible ». La générosité et la fraternité des Français sont donc « sous-employées ».
L’ouvrage salue néanmoins l’ouverture des « Couloirs humanitaires » entre Beyrouth (Liban) et Paris. En partenariat avec l’Etat, cette initiative oecuménique, qui engage la Pastorale des Migrants au nom de la Conférence des évêques de France, a déjà permis l’accueil dans l’Hexagone de 129 hommes, femmes et enfants vulnérables – syriens ou irakiens – grâce aux collectifs des paroisses catholiques et protestantes, et aux délégations du Secours catholique-Caritas France. Le protocole signé le 14 mars 2017 prévoit l’accueil et l’intégration de 500 personnes.
Claire Rocher (SNPMPI)