L’acceptation de la différence est une condition de vitalité dans la mission évangélisatrice de l’Eglise. La communion de l’Eglise, forgée dans l’ouverture à la différence, est le fruit de la rencontre de l’autre, différent par la langue, la culture, la sensibilité, la pratique religieuse ou encore la manière de dire Dieu. Dans la rencontre des catholiques venus d’ailleurs, nous découvrons d’autres manières de vivre la foi, de célébrer, de prier, d’autres approches de la vie, de la mort, d’autres manières de vivre en famille, une autre relation à la parole.
Parmi ces différences, nous percevons peut-être facilement certains aspects comme des richesses (certains rites typiques, des danses, des témoignages sur la foi). En revanche, d’autres expressions peuvent nous déranger ou nous interpeller: la liberté de proclamer la présence de Dieu et son action en nos vies, les formes de religiosité populaire comme les neuvaines, les statues des saints, les médailles, certaines bénédictions…. Il y a aussi expressions de foi qui nous paraissent étranges, que nous ne comprenons pas, qui nous semblent relever de la superstition, comme les sorts et la sorcellerie, les esprits, les rêves…
Devant cette réalité pluriculturelle, mise en évidence par la présence des migrants, nous sommes facilement tentés par deux raccourcis : l’assimilation des chrétiens venus d’ailleurs, obligés de s’adapter à notre manière de vivre la foi, de vivre en Eglise. Ou la « ghettoïsation » dans des espaces spécifiques, où les chrétiens d’une même culture se retrouvent et vivent leur foi dans leur langue, leurs rites.
Il existe toutefois une troisième possibilité : l’interculturalité en Eglise. C’est le chemin de la communion « des et dans » les diversités, comme l’indique le pape François : « En ces deux millénaires de christianisme, d’innombrables peuples ont reçu la grâce de la foi, l’ont fait fleurir dans leur vie quotidienne et l’ont transmise selon leurs modalités culturelles propres. […] Chez les divers peuples, qui expérimentent le don de Dieu selon leur propre culture, l’Église exprime sa catholicité authentique et montre “la beauté de ce visage multiforme”. Dans les expressions chrétiennes d’un peuple évangélisé, l’Esprit Saint embellit l’Église, en lui indiquant de nouveaux aspects de la Révélation et en lui donnant un nouveau visage » (Pape François : La joie de l’Evangile, N° 16).
Vie d’Eglise
Il est important d’aider les différentes communautés (territoriales et linguistiques) à passer d’une vie “séparée” (une communauté à côté, et, parfois, contre l’autre) à une vie “en location” (une communauté locale qui donne, plus ou moins gracieusement, des espaces ou opportunités à d’autres) à une vie “partagée” (une communauté de communautés : une “unité” dans les diversités, une “commune-union”).
Ce chemin de communion « des et dans » les diversités demande à tous une attitude d’ouverture, d’accueil, de bienveillance. Chacun donne, mais chacun est aussi appelé à recevoir de l’autre, à s’ouvrir à quelque chose de différent. Cela demande aussi beaucoup d’humilité et la purification de diverses traditions ou approches particulières, étrangères et autochtones, car chacun doit « relativiser » (dans le sens de le mettre en relation à Jésus Christ, à l’Evangile) sa propre conception de vie, les expressions de foi liées à sa propre culture. C’est Jésus Christ, c’est la Parole de Dieu qui est la référence, pas les expressions culturelles de la foi qui en découlent. Si l’on accepte cela, on peut découvrir que l’autre, avec sa culture à lui, a quelque chose à me dire de la part de Dieu, que Dieu veut me parler par « d’autres cultures ».
D’autre part, les chrétiens venus d’ailleurs sont appelés à devenir acteurs d’évangélisation et de communion : ce sont eux aussi les “experts” qui peuvent nous aider à mieux comprendre l’importance de tel ou tel aspect culturel et qui peuvent nous aider à l’intégrer dans notre pastorale.
Dans cette perspective, le message du pape Benoît XVI pour la JMMR de 2012 nous disait : « Les migrants eux-mêmes peuvent jouer un rôle précieux […] car ils peuvent devenir à leur tour ‘messagers de la Parole de Dieu et des témoins de Jésus Ressuscité, espérance du monde’ ». Les catholiques qui sont en France, autochtones et migrants, trouveront ainsi ensemble une véritable vitalité évangélisatrice.
C’est ce service de catholicité rendu par les migrants que Jean Paul II mettait en évidence lorsqu’il affirmait que « les migrations offrent aux Églises locales l’occasion de vérifier leur catholicité », laquelle « consiste non seulement à accueillir les différentes ethnies, mais surtout à réaliser leur communion », sachant que « dans l’Eglise, le pluralisme ethnique et culturel ne constitue pas un état de choses à tolérer parce que transitoire », mais qu’il « est au contraire une dimension structurelle qui lui est propre. L’unité de l’Eglise n’est pas faite d’une origine et d’une langue communes, mais de l’esprit de Pentecôte » (Message de Jean Paul II pour la Journée mondiale du migrant et du réfugié 1988).
Cet esprit de Pentecôte nous invite à concevoir la communion ecclésiale comme l’expression du projet de Dieu pour les hommes et les femmes d’aujourd’hui, un projet de vie et de communion des hommes les uns avec les autres et de tous avec le Père, un projet où les murs, les barrières, les obstacles entre les personnes et les peuples n’existeront plus, où la peur cédera la place à l’ouverture et à la rencontre de l’autre.